6 juin 1882

Paris, 6 juin 1882, mardi matin, 7 h.

Je t’ai laissé dormant d’un si bon sommeil que je n’ai pas voulu te réveiller, pensant, avec raison, que ce repos donné par la nature valait mieux que celui tiré de l’apothicaire. Ai-je bien fait, mon maître [1] ? En attendant que vous me disiez ce que vous en pensez, je t’aime à cœur que veux-tu ? Tu sais que tu as Sénat aujourd’hui à deux heures ! Ordre du jour : tirage au sort des Bureaux, suite de la délibération du projet de loi tendant à la réforme du code d’instruction criminelle. Dauphin rapporteur. Plus une convocation du ministre de l’Intérieur d’assister à la réunion de la commission générale qui aura lieu demain, mercredi à 9 heures du matin au local ordinaire des séances. Puis un télégramme de Rome en italien à propos de l’apothéose de Garibaldi [2]. Puis, enfin, une très grosse lettre de comptes et de chèques de la maison Hetzel et compagnie. Je te la porterai dès qu’il fera jour chez toi ; entre temps, je me tords^a dans des douleurs atroces d’estomac au point d’en pleurer. Décidément la vie trop prolongée est une stupide chose car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Sur cette belle pensée, digne d’un si mauvais sort, je te souris et je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 105
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « tors ».