6 janvier 1861

Guernesey 6 janvier 1861, dimanche, 9 h. ½ du m[atin]

Bonjour, mon ineffable bien-aimé. Boujour avec tout ce que j’ai de plus tendre et de meilleur en moi. Bonjour, que Dieu te guérisse pour que je puisse être tout à fait heureuse. Tant que ton petit bobo persistera j’aurai un petit nuage gris sur ma joie et mon sourire rentrera ses cornes car il m’est impossible, mon pauvre bien-aimé, d’être vraiment gaie quand je te sens soufrant. Depuis ce matin je m’inquiète comment tu as passé la nuit et si cet affreux froid n’a pas augmenté ton mal de gorge. Je ne serai tranquille que lorsque tu me diras toi-même que tu as bien dormi et que tu vas mieux. Jusque là ma pensée tourne autour de toi comme une âme en peine sans pouvoir s’en détacher. Mais si par bonheur tu vas tout à fait bien je sens que le roi de Prusse ne sera pas mon cousin. Tu as bien fait de suivre le conseil de ton petit Toto [1] hier en n’allant pas à cette exposition [2] abracadabrante (d’après MONSieur Charles) mais située au diable vauvert^a au fin fond de l’île. Tu feras toujours bien à l’avenir de t’abstenir de tout refroidissement puisque tu es averti maintenant que c’est une des principales causes de ton affection gutturale. Pardon de mon rabâchage, mon cher petit homme, mais je ne saurais te dire autre chose tant que tu ne seras pas guéri parce que toute ma vie, tout mon bonheur et toute ma joie est dans ta chère santé. J.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 5
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « au vert ».