27 avril 1863

Guernesey, 27 avril [18]63, lundi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon grand, mon généreux, mon divin adoré, bonjour. Mon âme a déjà bien cogné à ta fenêtre pour tâcher de savoir si tu avais passé une bonne nuit et si tu dormais encore. Mais jusqu’à présent elle ne sait rien de toi sinon que tu es le meilleur, le plus clément, le plus adorable des hommes, qu’il faut t’aimer à genoux et les mains jointes. Je n’ose pas te reparler de la chose d’hier parce que je sens que les mots manquent à ma reconnaissance et à ma vénération pour toi. Tout ce que je peux te dire, mon généreux homme, c’est que jamais rien de pareil ne se renouvellera de ma part pendant tout le reste de ma vie et que je ne me défierai plus jamais de la bonté angélique dont tu m’as donné une si grande preuve hier. Pourvu que tu ne t’engages pas trop au-dessus de tes forces avec ce surcroît de loyer et les frais du déménagement [1] ? J’espère encore qu’il surviendra quelque anicroche à la [confection ? convention ?] du bail et que nous en serons quitte pour la peur [2]. J’ai descendu le bail Allez et la convention à part relativement à l’état de lieu. Il n’y a que l’étage de ma chambre dont les réparations soient exceptées. Les autres parties de la maison doivent être remises^a comme on les a reçues. Mais ta fenêtre continue d’être fermée, mon doux adoré, pourvu que tu n’aies pas passé une mauvaise nuit et par ma faute ? Ô mon Dieu quelle punition pour moi et comme je me repens^b d’avoir manqué de confiance. Pardonne-moi encore une fois, mon bien-aimé, et sois bien tranquille pour l’avenir.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 108
Transcription de Chantal Brière

a) « remise ».
b) « repends ».