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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1844], mardi, midi ¼

Bonjour cher bien-aimé, bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher petit Toto chéri, bonjour comment que ça va aujourd’hui ? Moi je vais bien, au mal de tête près. Je viens de copier les quelques lignes que tu m’avais indiquées cette nuit. De plus j’ai déjeuné plus tôt à cause d’Eulalie que je ne pouvais pas humainement faire jeûner plus longtemps. Je vais me lever tout à l’heure et je tâcherai de secouer mon mal de tête. Tu devrais tâcher de venir me dire un petit bonjour, ce qui serait encore le meilleur et le plus efficace des remèdes.
Pendant que j’y pense, mon Toto, il faut que je te dise qu’à partir d’aujourd’hui Eulalie couchera dans la salle à manger parce que sa sœur est un peu plus souffrante que d’habitude et que son lit étant très petit elles se gênent l’une l’autre. Quant à moi cela ne me fait absolument rien sinon qu’Eulalie au lieu de s’en aller à huit heures veillera jusqu’à dix. J’ai pensé que cela ne te ferait rien non plus. Je crois que j’ai bien fait ? Pendant que j’y suis je veux te dire encore que j’ai pensé que la Notre-Dame illustrée serait un bien charmant cadeau pour ma pauvre Péronnelle [1] à laquelle tu as repris la première ainsi que l’exemplaire de Furne [2]. Dans le cas où tu ne pourrais pas absolument en donner deux je ferais le sacrifice du mien en faveur de cette pauvre enfant à qui nous n’avons rien donné l’année passée et qui n’a absolument que nous pour penser à elle. Mais, entendons-nous, quand je dis que je ferais le sacrifice de ma Notre- Dame, je veux dire que j’attendrais que le jour de l’an soit passé. Après quoi je rentre dans mes droits et je vous tourmenterai jusqu’à ce que je l’aie. C’est assez juste n’est-ce pas ?
Cher adoré, je n’oublie pas que tu m’as donné les plus belles et les plus ravissantes Étrennes que je puisse désirer. Je les vois d’ici et elles me réjouissent le cœur. Tu les complèterasa par une bonne petite lettre et je serai la plus comblée et la plus heureuse femme de la terre. En attendant je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 159-160
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « completteras ».


17 décembre [1844], mardi soir, 6 h. ¼

Ton beau-père est sans doute plus malade, mon cher petit Toto, puisque tu n’es pas venu comme à l’ordinaire me donner ma pauvre petite minute de bonheur ? Je ne t’en veux pas, mon cher adoré, le bon Dieu le sait mais j’ai mon pauvre cœur tout grippé. Je fais tout ce que je peux pour le dilater sans pouvoir y parvenir. Cela ne m’empêche pas de me sentir que tu dois tous tes soins à cet excellent homme. Mais j’en souffre. Quand tu pourras venir je serai heureuse. D’ici là tout ce que je ferai pour le paraître ne servira qu’à redoubler ma solitude et ma tristesse intérieure. Ainsi il vaut mieux que je n’essaie pas à faire une chose impossible, c’est-à-dire être gaie loin de toi.
Je m’étais dépêchée tantôt de te copier ton petit bout de lettre, espérant que tu viendrais le chercher. En général ces précautions-là ne me réussissent jamais. C’est ce qui fait que presque toujours je ne suis pas prête quand il le faudrait et que je le suis trop quand il n’est pas besoin. Cher petit homme adoré, je t’aime. Je te souris à travers mes mouzonneries je t’aime. Pense à moi, ne t’inquiète pas de moi et ne sois pas triste je ne le veux pas. Je veux que tu m’aimes voilà tout. Quand tu pourras venir je serai trop heureuse de te prendre : en attendant je t’attends, il n’y a rien de plus simple que cela. Hélas !.....

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 161-162
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Terme affectueux pour désigner Claire Pradier.

[2L’éditeur-libraire Charles Furne a publié en 1840 une édition de Notre-Dame de Paris en deux volumes in-8, illustrés entre autres de gravures hors texte de Tony et Alfred Johannot.

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