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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 décembre [1844], mercredi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon cher amour bien-aimé, bonjour, mon doux et charmant Toto, bonjour. Tu as été adorablement doux et bon cette nuit, mon amour. J’aurais voulu trouver des mots inconnus qui n’aient jamais été profanés par l’usage, pour t’exprimer ce que je sentais d’ineffable adoration en t’écoutant et en te regardant. Tu es beau, je t’aime.
Comment vas-tu ce matin, mon Toto adoré ? As-tu un peu dormi au moins ? Pauvre ange dévoué, tu tombais de fatigue et de sommeil cette nuit. Je ne sais pas comment tu peux tenir à cette vie d’activité dévorante de tous les instants. Si j’avais quelque influence sur toi, mon bien-aimé, je te supplierais de te ménager et je te forcerais à prendre ton repos toutes les nuits. Malheureusement je n’en ai pas. Tu ne me permets que de t’aimer, ce dont je m’acquitte au-delà de la permission. Je prie Dieu d’avoir pitié de toi et de moi car je ne sais pas ce que je deviendrais si tu tombais malade. Je ne veux même pas y penser.
As-tu eu des nouvelles de M. Foucher [1] ? J’espère que tu ne seras pas forcé d’y passer la nuit. Tu sais d’ailleurs qu’il préfère à tous les autres soins ceux de la garde-malade qui est habituée à le soigner. Je ne te dis pas cela pour t’empêcher de le faire si tu le crois nécessaire et si ce vieillard le désire. Mais je te parle d’après ce que je sais de lui et que tu m’as dit toi-même. Je ne veux pas que tu croiesa que j’ai le cœur mauvais, mon bien-aimé ! QUOIQUE : l’amour rende bien méchant mais je désire que tu ne te prodigues pas sans nécessité aux dépensb de mon bonheur et de ma vie. Voilà. Maintenant baisez-moi et aimez-moi, je vous l’ordonne.
Eulalie est enfin venue. Je ne lui ai pas encore parlé mais je sais qu’elle est là. Je vais lui faire blanchir ta cravatec. Jour Toto jour mon cher petit o je vous écris avec une cocotte sur le doigt. Cette pauvre petite bête avait ses petites pattes glacées et je les lui réchauffe mais ça n’est pas [comme  ?d] pour ÉLUCUBRER. Dieu que votre douillette [2] est chaude et comme les taches vont bien dessus. J’en vais en faire encore. Voime, voime, baisez-moi et taisez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 139-140
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « croie ».
b) « au dépend ».
c) « cravatte ».
d) On croit lire « comme ». Il peut s’agir d’un lapsus pour « commode ».

Notes

[1M. Foucher, beau-père de Victor Hugo, est malade. À sa demande, son gendre le veille parfois la nuit, au grand désespoir de Juliette.

[2Robe de chambre.

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