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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mars 1849

30 mars [1849], vendredi matin, 11 h. ½

Je suis prête déjà, mon amour, ainsi vous ne pourrez pas vous empêcher de m’emmener avec vous. À part quelques toussailleries je ne souffre plus. Ce beau temps m’a tout à fait remise et je suis prête à vous suivre partout et ailleurs tant que vous voudrez.
Je vous gribouille ceci avec toutes mes fenêtres ouvertes et mon dos au soleil. Si vous étiez là mon bonheur serait parfait, et vous ne pourriez pas vous empêcher d’être heureux dans un air si tiède et sous un amour si doux. Vous entendriez le babillage des petits oiseaux et les élégies de ce pauvre Fouyou sur l’injustice du sort qui fait les pierrots libres et lui prisonnier. Tout cela est très touchant et vous remuerait votre cœur de poète insensible. Quant à moi qui suis une dure à cuire, je suis très contente du pied de nez de mon Fouyou et je prends part aux fanfaronnades des petits moigniaux à sa barbe et à ses moustaches. Si vous m’aimiez je serais peut-être plus compatissante pour ce malheureux, mais dans l’état où vous me mettez, je n’ai plus rien d’humain. Je vous aime que pour n’en être que plus féroce. Baisez-moi pour voir. Vous voyez bien que vous avez peur. Oh ! c’est lâche, un homme. Taisez-vous et venez bien vite. Je vous attends de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 77-78
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


30 mars [1849], vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour, mon trop aimé petit Toto, bonjour. Je vous adore. N’espérez pas m’échapper, aujourd’hui, car le temps est beau et mon mal de gorge presque rien, aussi je me hâte déjà de faire mes préparatifs pour vous suivre tantôt. Vous pensez que je ne veux pas vous laisser tous les jours cette bonne liberté, vous vous y habitueriez et vous ne pourriez plus me souffrir à côté de vous, même pour un instant. Tâchez de ne pas me faire l’atroce tour de ne pas venir, car vous seriez capable de me rendre très sérieusement malade en raison même du bonheur et de la joie que j’espère de cette bonne petite course. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime tout plein et puis encore. Quand vous aurez des aussi vieux journauxa que ceux que vous m’avez apportésb l’autre jour, vous les garderez pour vous. Les journaux sont comme la marée, ils demandentc à être lus frais. Merci, des journaux du dix décembre, comme c’est amusant le 30 mars ! Je désire que cette plaisanterie ne se renouvelle pas, à moins que ce ne soit pour m’en donner le papier en toute propriété et sans avoir à en rendre compte à personne. Jour Toto, jour mon petit Toto. C’est donc aujourd’hui que je reprends mes courses échevelées avec vous [1]. Quel bonheur ! Surtout n’allez pas trop vite, parce que je suis encore un peu poussive et ne me faites pas trop attendre à cause des brodequins.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 79-80
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « journals ».
b) « apporté ».
c) « demande ».

Notes

[1Pendant sa longue crise de goutte qui a duré plusieurs semaines, Juliette Drouet n’a pas accompagné Victor Hugo à l’Assemblée.

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