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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars [1849], mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon doux, mon bon et charmant bien-aimé, bonjour. Que la vie te soit aussi heureuse que glorieuse, c’est le vœu unique de mon cœur et de mon âme. Ainsi que je te le disais, hier, je me suis sentie très mal à mon aise après avoir dînéb. Je n’ai eu que le temps de me coucher. Un frisson à faire sauter mon lit, des douleurs très vives au cœur et un violent mal de tête. Ajoutéc à mes élancements de pieds, voilà tout le bénéfice que j’ai retiré de mon bain de pieds prolongé. Dans cet état de choses, ce que j’ai eu de mieux à faire ça [a] été de me coucher tout de suite et de cesser touted espèce de remèdes. Cela m’a assez bien réussi. J’ai dormi, et ce matin il ne me reste que le mal de tête et une grande sensibilité dans les pieds. Voilà, mon petit homme, où j’en suis de tous mes maux. Et puis je t’aime, et puis je te baise, et puis je t’adore.

Juliette

MVHP, MS a8157
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

b) « diner ».
c) « ajouter ».
d) « tout ».


7 mars [1849], mercredi matin, 11 h.

Je suis encore dans mon lit, mon cher bien-aimé, à mon grand déplaisir et à ma grande impatience car j’aimerais mieux aller et venir dans ma maison et me préparer à t’accompagner que de rester comme ceci paresseuse dans un lit dans lequel je m’ennuie horriblement. Quant à mes pieds, la grande chaleur qui s’y faisait sentir a disparua mais le moindre petit mouvement que je leur fais faire, mais la moindre pression d’un doigt sur l’autre m’arracherait presque des cris tant la sensibilité est vive [1]. Aussi, il ne faut pas que je songe à aller avec toi aujourd’hui mais j’espère que je serai plus coriace demain et que je pourrai te conduire à l’Assemblée et à l’Académie. Aujourd’hui je sacrifie la joie de mon cœur à la tranquillité de mes affreux pieds. Mais je ne me sentirais pas le courage de recommencer et de prolonger ce dévouement absurde plus longtemps. Il m’est resté de mon bain de pied d’hier un mal de tête abominable qui me fatigue et m’abrutit on ne peut pas davantage. Je crois que, si j’avais persisté plus longtemps dans mon trempage, que je m’en serais très mal trouvéea. Enfin me voilà corrigée, sinon GUÉRIE pour longtemps de l’envie de faire de la médecine de hasard. Ma désobéissance n’a pas eu un assez beau succès pour que je me risque une seconde fois dans les remèdes SECRETS. En voilà pour longtemps et même pour toujours car je ne veux plus rien faire à ma personne et de ma personne sans ton consentement. Pardonne-moi cette fois encore et aime-moi toujours et plus que jamais puisque mon bonheur et ma vie c’est d’être aimée de toi.

Juliette

MVHP, MS a8158
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « disparue ».
b) « trouvé ».


7 mars [1849], mercredi soir, 9 h.

Je ne veux pas me coucher, mon amour, sans t’avoir donné ma pensée et mon âme. Je veux que mon amour t’arrive dans une étoile du ciel et dans le souffle de l’air. Je t’aime mon Victor avec ce redoublement de sève et de passion que les fleurs ont pour le printemps et pour le soleil. Il me semble par moments que mon cœur monte jusqu’à mes lèvres et à mes yeux pour mieux te voir et pour mieux t’aspirer. Je suis toujours souffrante mais ce n’est plus des pieds. Dans ce moment, la douleur atroce, la douleur insupportable, c’est l’omoplate et le cœur.

MVHP, MS a9037
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Juliette souffre d’une crise de goutte depuis la veille.

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