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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 novembre [1844], mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé adoré, bonjour le Toto de mon cœur, bonjour, bonjour. Je te baise depuis la pointe de tes doux cheveux jusqu’à cellea de tes chers petits pieds. Tu peux venir chercher ta copie, mon amour, elle est finie ; j’ai été assez contrariée hier de ne pas l’avoir faite toutb entière. Sans Mme Triger je l’aurais eu finie quand tu es venu. Une autre foisc je ne serai pas dérangée, je l’espère. Je te demande pardon de ma brusquerie d’hier mais tu en connais le motif et tu ne peux pas m’en vouloir, n’est-ce pas mon Toto ? Je ne peux pas te dire à quel point j’ai pris à cœur cette affaire et combien l’incident d’hier m’a fâchée. Et puis rien n’est agaçant comme une chose à laquelle on ne peut rien comprendre et celle-ci en particulier est une des plus énigmatiquesd que j’aie jamais rencontrées. Je suis furieuse. Si je pouvais donner des coups de pied à tout ce monde-là je ne m’en priverais pas, au contraire. Enfin, ce qu’il y a de consolant c’est que cela ne t’entame pas, comme on le dit chez toi, et que cela ne t’ôte rien aux yeux de l’univers. Si tu vas là-bas tu m’emmèneras, n’est-ce pas mon amour ? J’y compte bien. Je te vois trop peu pour ne pas saisir avec enthousiasme toutes les occasions de passer une heure avec toi. À ta place j’irais plus tôt que plus tard. Mais tu sais mieux que moi ce que tu as à faire et je suis une vieille bête de vouloir te donner des conseils. Baise-moi et moque-toi de moi. Pourvu que tu n’aimese que moi je m’en fiiiiiiiiiiiiiiche. Dîtes donc vous, je ne veux plus faire vos commissions. Vous croyez toujours que je fais danser l’anse du panier tandis que c’est moi qui me ruine, merci ! Je donne ma démission. Je n’ai pas besoin qu’on me dise des choses désagréables. Cher bijou bien-aimé, je ris avec toi. Mais le fait est que je dépense des tas d’argent et que cela m’étonne autant que toi, quoique je sache très bien où il est passé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 47-48
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « celles ».
b) « toute ».
c) « autrefois ».
d) « énigmatique ».
e) « n’aime ».


13 novembre [1844], mercredi soir, 4 h. ¾

J’espère que tu n’es pas souffrant, mon cher bien-aimé, et qu’il ne t’est rien arrivé de fâcheux. Mais malgré cela je ne peux m’empêcher de me tourmenter. Ordinairement tu viens dans la journée baigner tes yeux et aujourd’hui je ne t’ai pas vu du tout. C’est bien long, mon amour et je suis bien triste et bien inquiète et bien impatiente. Dabat est venu t’apporter tes bottes et tes souliers à liège raccommodésa. Dimanche il apportera les neufs et le reste la semaine prochaine. Il n’a pas voulu prendre les 100 F. que tu lui offrais. Il a dit qu’il pouvait attendre mais qu’il remerciait Monsieur de sa bonté. La couturière a envoyé toucher sa note, c’est Suzanne qui en a fait l’avance. Tantôt j’ai envoyé chez Claire lui porter son mantelet et différentes petites choses dont elle avait besoin. Elle va très bien, aux engelures près, qu’elle a plein les pieds. Autre chose qui me concerne : un homme à qui j’ai ouvert la porte, m’a laissé entre les mains, avant que j’aie pu m’en défendre et sans attendre ma réponse, un atlas cartonné très fané et très fripéb. Je crains que ce ne soit un nouveau genre d’escroquerie. Tu m’expliqueras cela quand je te verrai et tu me diras ce que je dois faire le cas échéant. Voilà mon cher adoré toutes les nouvelles intérieures et extérieures. Mais je voudrais bien te voir. J’ai peur que tu ne sois malade. Cependant tu m’as quittéec bien portant cette nuit mais qu’est-ce que cela prouve ? Le plus sûr pour moi serait de te voir et de m’assurer par moi-même que mes craintes ne sont pas fondées. Je regarde la pendule et je trouve qu’elle va bien lentement. C’est tout le contraire quand tu es là, ce qui fait que je ne suis jamais contente.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 49-50
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « raccomodés ».
b) « frippé ».
c) « quitté ».

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