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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juin 1836

12 juin [1836], dimanche matin, 7 h. ¾

Mon cher petit homme, depuis que ma maison et moi sommes très débarbouillées vous n’êtes pas venu nous voir. Outre que c’est très malhonnête pour elle, c’est très méchant pour moi qui ne vis que quand je vous vois et qui ne suis heureuse que quand je vous baise comme je vous l’ai écrit hier.
J’ai passé une très mauvaise nuit, me réveillant de quart d’heure en quart d’heure. Aussi suis-je éreintée ce matin. Si ma bonne revient assez à temps de chez Mme Pierceau pour m’aller chercher un bain j’en prendrai un ce matin afina de me décourbaturer.
Je t’aime mon cher petit homme, je n’ai pas un petit coin de ma pensée qui ne soit envahi par la tienne. Je n’ai pas un cheveu de ma personne qui ne souffre de ton absence et ne se réjouisse de ton retour. Tu devrais bien leur faire sentir le plus vite possible cette dernière influence.
Pauvre cher adoré, tu travailles sans doute, tu te fatiguesb beaucoup et peut-être du milieu de ton travail trouves-tu moyen de donner une pensée d’amour et de regret à ta pauvre vieillec Jujure. Eh bien ! S’il en est ainsi, je t’aime encore plus, je te plains et je me résigne à la condition que tu viendras très tôt récompenser le COURAGE MALHEUREUX. Je t’aime toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 152-153
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « à fin ».
b) « fatigue ».
c) « vielle ».


12 juin [1836], dimanche soir, 6 h. ¾

Quelle journée ! J’ai cru qu’elle ne passerait pas tant que je t’ai attendu et maintenant je trouve qu’elle a passé trop tôt puisque je ne t’ai pas vu. Ce n’est certainement pas le désœuvrement qui est cause de la tristesse et de l’ennui qui m’accablenta car j’ai travaillé toute la journée sans lever le nez de dessus mon ouvrage jusqu’à présent. Mais qu’est-ce que peut une aiguille tirée dix fois par minute contre un battement de cœur continuel, contre une impatience sans relâche et le besoin de te voir permanent ? Je suis effrayée de la pensée que tu ne viendras peut-être pas encore ce soir. Ma parole, quand je souffre autant qu’aujourd’hui, il me semble que je ne pourrai jamais arriver jusqu’au jour de la délivrance.
Je ne vous accuse pas, mon Toto, cependant il me semble que vous auriez pu venir ne fût-ce qu’une minute m’embrasser et me donner du courage. Je suis bien triste et bien malheureuse, ne vous en prenez qu’à vous puisque c’est parce que je vous aime et que je ne vous vois pas.
Mon amour ma vie mon âme, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 154-155
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « m’accable ».

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