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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 octobre [1844], samedi, midi ¼

Bonjour, mon cher petit homme chéri, bonjour toi, comment allez-vous ce matin ? Moi je vais bien, je vous aime.
Je me suis aperçu ce matin que tu avais oublié ta bourse cette nuit. Quelle imprudence ! Sans parler de cinq clefs dont tu peux avoir besoin ce matin. Tant mieux, cela vous forcera à venir plus tôt. Une autre fois je vous grincherai votre bourse dans cette intention honnête, mais tendre, de vous faire revenir sur vos pas.
J’ai envoyé Suzanne chercher le portrait avant de lui faire faire mon MÉNAGE !!!!!a
Je l’attends avec impatience et je le dispense volontiers de pousser la ressemblance avec son illustre ORIGINAL jusqu’à seb faire attendre indéfiniment. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime mais je vous tuerai, vous savez ça. Je trouve que vous avez trop de créoles mystérieuses  [1] autour de vous et cela me déplait supérieurement. Je vous en préviens. En attendant, j’ai eu la stupide bonhomie de chercher la lettre de Mme de CHAUMONT [2], autre péronnelle de même étoffe et que vous honorez de votre protection. On est pas plus bonc enfant que moi. Mais prenez-y garde, ce n’est qu’une feinte bonté avec laquelle je compte vous faire tomber dans un affreux traquenard dans lequel vous y laisserez beaucoup.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 289-290
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) Les point courent jusqu’au bout de la ligne.
b) « se ».
c) « bonne ».


26 octobre [1844], samedi soir, 9 h. ¼

Je suis toujours furieuse contre ce hideux Barbedienne, mon cher petit bien-aimé. Comment, ce stupide marchand me prive pendant quinze jours de mon cher petit portrait et au bout de ce temps-là, il me le rend absolument comme il était avant, c’est-à-dire tout rempli de poussière, tout salea et tout disloqué. Vraiment, il y a de quoi être sérieusement en colère contre ce hideux animal. C’est égal, voici mon cher petit portrait revenu et je le garde tel qu’il est. Je ne l’exposerai plus à courir la prétentaine et s’il tient absolument à être débarbouillé, c’est moi qui lui rendrai ce petit service et je profiterai de l’occasion pour lui tirer le nez tout bonnement et pour lui baiser le museau. Tiens, en parlant de museau, je voudrais bien voir le votre en cher et en os. Il me semble que je le baiserais bien et que je serais bien heureuse si vous me l’apportiez à l’instant même. Hum ! Rien que d’y penser cela m’en fait venir les baisers à la bouche. Je regarde la pendule et je trouve qu’elle est bien féroce d’aller si lentement. Je voudrais qu’il fût l’heure de te voir. J’aurais l’espoir de ne pas attendre encore si longtemps. Penses-tub à moi, mon Toto, me regrettes-tu et m’aimes-tu loin de moi ? Il y a des moments où j’en doute et cela me rend très malheureuse. Puis il y en a d’autres aussi où je crois que tu m’aimes, où il me paraît impossible que tu puisses jamais cesser de m’aimer et alors je suis très courageuse et je t’attends avec confiance, sinonc avec patience, et je t’aime, je t’aime, je t’aime de toute mon âme. Ce soir je suis dans un de ces bons moments. Ai-je raison, mon cher amour ? Toi seul le sais. Mais en t’attendant, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 291-292
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « sâle ».
b) « pense-tu ».
c) « si non ».

Notes

[1Elle vise vraisemblablement Fortunée Hamelin, ancienne « mystérieuse » sous le Directoire, désormais âgée de soixante-huit ans, mais toujours intrigante, et chez qui Hugo fréquente Léonie Biard.

[2À élucider.

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