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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 septembre [1844], samedi matin, 11 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé. Bonjour, mon cher petit Toto adoré, comment vas-tu mon Toto ? Ton souper ne t’a pas fait du mal, j’espère ? Je voudrais bien que tu m’apportes, toi-même, tout de suite, le bulletin de ta chère petite santé. Moi je vais bien, cela va sans dire puisque j’ai l’espoir de passer bientôt une journée toute entière avec toi. Seulement, comme dans tout bonheur il faut une petite pointe de tristesse, je me suis fourréa dans la tête que je t’avais mécontenté en voulant rédiger le programme de cette fameuse journée. De cette façon, ma joie est légèrement mitigée de tristesse, ce qui l’empêche d’être immodérémentb bruyante et excessive. Cela ne m’empêche pas d’attendre la nuit du lundi au mardi avec une grande impatience. Je vous prie de le croire.
Jour, Toto chéri, jour, mon amour adoré. Je vous aime, moi, et je vous suis fidèle, moi. Je ne m’acoquinec à rien qu’à vous. Je ne fais l’aimable et l’agaçante avec aucun prince russe [1]. Je vous suis fidèle, moi. En pourriez-vous dire autant, vous ? Répondez si vous l’osez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 153-154
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « fourrée ».
b) « immodérémment ».
c) « accoquine ».


14 septembre [1844], samedi soir, 5 h.

Je suis bien heureuse, mon cher amour, tu n’es pas fâché contre moi et tu viens souper ce soir, deux raisons pour lesquelles je suis pleine de joie. Je viens d’envoyer Suzanne au chemin de fer chercher un bulletin. Justement, je crois que la voici revenue. Je ne m’étais pas trompée : elle rapporte un volume in octavo. Fichtre, il doit y avoir de fameux renseignements dans un si gros livre. En attendant que vous en preniez connaissance, je le respecte avec la plus profonde discrétion. Je vous laisse la primeur toute entière. Ia, ia, monsire, matame, mamselle [2], chi chi aime mieux lire la Guerre de Nizam [3] que les poésies du chemin de fer.
Je fais travailler ma pauvre Péronnelle [4] dare darea. Tout à l’heure je lui ferai faire une dictée. Je t’assure qu’il est impossible de plus employerb son temps sinonc de le mieux employera.
Jour mon petit Toto. Je suis aussi bête que je suis heureuse. Ce n’est pas peu dire. Si j’osais, j’aurais honte de ma stupidité. Mais je n’ose pas. J’aime mieux l’être hardiment et sans la moindre émotion. Au fait, ce n’est pas ma faute. D’ailleurs je t’aime trop pour avoir de l’esprit.

BnF, Mss, NAF 16356, f. 155-156
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « dar dar ».
b) « employé ».
c) « si non ».

Notes

[1Juliette se montre régulièrement jalouse d’une princesse russe fréquentée par Hugo.

[2Imitation de l’accent allemand pour « oui, oui, monsieur, madame, mademoiselle ».

[3La Guerre du Nizam de Joseph Méry est publié en feuilleton du 13 août au 23 septembre dans La Presse, et paraîtra en volume en 1847.

[4Claire.

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