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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juin 1837

24 juin [1837], samedi après-midi, [1  ?] h. ½

C’était pourtant bien gentil de vous avoir là, mon cher petit peintre, mon grand architecte, pour me faire des châteaux français plus beaux que ceux qu’on a coutume de bâtir en Espagne. Je serais restée très volontiers accroupie à vos genoux toute la journée sans me fatiguer, si vous aviez voulu rester. Mais vous m’échappeza toujours comme toutes les belles fleurs de la terre, comme les beaux rêves de la pensée. Vous ne faites que paraître et disparaître avant qu’on ait eu le temps de prendre de vous tout ce que vous contenez de beau, de bon et de parfumé. J’aime tant les fleurs et je les trouve si belles que depuis que j’en vois quelques-unes autour de moi, je ne peux m’empêcher de vous comparer à elles. Pour vous donner un à-peu-près de l’effet que vous faites à mes yeux et à mon cœur, je vous trouve bon, je vous trouve beau, c’est votre génie qui parfume tout cela car vous êtes complet, vous, vous avez la forme, vous avez la couleur et vous avez le parfum. Vous êtes une de ces fleurs rares que le grand Jardinier ne fait éclore que tous les mille ans et qu’il nous permet de respirer, tout indignes que nous sommes. Je fais de la poésie aussi, moi. De quoi l’amour n’est-il pas capable ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 331-332
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


a) « échapper ».


24 juin [1837], samedi soir, 8 h.

J’ai suivi votre conseil, mon cher petit SERPENT, je n’ai pas envoyé la lettre SUSDITE. Dieu sait que ce n’était pas l’esprit ni le style, quoiqu’il y eût beaucoup de l’un et de l’autre, que je regrettais, mais ma peine qui est bien autrement précieuse. Je vous aime, cher petit homme, et les quantités de fois que je vous l’ai écrit depuis hier matin me font craindre que vous n’ayez pas le courage de les lire jusqu’au bout. Je ne vois pas trop ce que j’ai gagné à ce que votre volume soit fini [1]. Je crois que je vous vois moins, si c’est possible, que lorsque vous le faisiez. J’ai une plume qui se refuse à écrire quoi que ce soita. Amour ou reproche, rien ne peut sortir de son affreux bec. Ô si je pouvais écrire avec le mien, comme il en sortirait de l’un et de l’autre ! Vous ne sauriez auquel entendre car je suis aussi furieuse qu’amoureuse. Jour jour mon petit o. Vous aviez pas l’air de m’aimer beaucoup tantôt. Voici la bonne de Mme Guérard qui m’apporte une lettre et un petit bouquet. Je l’ai renvoyéeb chargée du foulard et du portefeuille de son maître. Et puis je ne vois plus clair. Et puis je vous aime comme une enragée. Voilà pour la saison.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 333-334
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) Effectivement, les deux dernières phrases et celles qui suivront sont écrites d’un trait épais, ce qui rend plus difficile leur déchiffrement.
b) « renvoyé ».

Notes

[1Hugo vient de rédiger, ce 24 juin, la préface des Voix intérieures qui paraîtront le 26.

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