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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 juin 1837

17 juin [1837], samedi matin, 9 h. ½

Mon petit homme chéri, mon petit homme chéri….. Je ne vous dis que ça, vous devez me comprendre. Quand le moment de payer les arrérages arrivera, vous n’aurez pas trop de tous vos fonds pour vous acquitter [1]. En attendant, J’ATTENDS. Nous sommes aujourd’hui le 17. Si vous êtes exact, mon supplicea n’a plus que trois jours à durer. C’est bien long quand comme moi on souffre depuis plus de huit mois [2] ! Je vous aime mon Toto. Je vous aime de toutes les affections. Je vous aime bien. Jour To. J’ai beau faire des efforts pour être très geaie, je suis comme un vieux hibou. Je suis toute mouzonne. J’ai envie de pleurer et pas du tout de rire. C’est pas ma faute mais une fois que je serai sortie de cet affreux guêpier, vous me verrez aussi joyeuse que je suis triste, aussi heureuse que je suis à plaindre. Je suis sûre que tu as encore oublié les livres de Mme Krafft ? Affreux Toto, va, qui en use avec les étrangers comme avec moi. Mais tout le monde ne vous adore pas, vieux Toto, et vous avez tort d’en user uniformément. Jour on jour, je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 305-306
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « suplice ».
b) « c’est ».


17 juin [1837], samedi soir, 9 h. ½

Cher petit homme, je vous aime, moi, ça n’est pas plus nouveau que ça. Le matin quand je m’éveille, je vous aime ; toute la journée, je n’ai qu’une pensée, la vôtre ; le soir je vous aime, et dans la nuit si je dors je rêve de vous et je vous aime. Et toujours, toujours, je vous aime. Je parle de vous à tous ceux que je vois. Je ne leur parle que de vous. Voilà pour la variété de ma conversation. Vous m’avez surprise en flagrant délit d’ivrogneriesa. La queue est de trop pour cette fois [3]. Mais enfin je dois convenir qu’en effet j’étais ivre… Hum, si je voulais, quel magnifique calembour je ferais ! Mais je veux être sobre au moins pour cela. Après tant d’excès de tous genres, c’est bien le moins que j’aie de la modération en cela ! Cependant pour me contenter, laissez-moib finir par ce tout petit : mon ENCRE EST AUSSI ÉPAISSE QUE MA LANGUE [4] ! C’est peu de chose mais c’est bien travaillé, n’est-ce pas ? Soir pa, soir man. Je vous embrasse autant de fois qu’il y a de jours, d’heures et de minutes dans QUINZE ANS. Un bienfait n’est jamais perdu. N’oubliez pas mon Toto que je vous ai à peine vu et que je vous aime plus que jamais. Je t’attends mon Toto bien aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 307-308
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) Le long « s » barré 8 fois forme une « queue » :

© Bibliothèque Nationale de France


b) « laisser ».

Notes

[1Juliette file la métaphore économique. Elle parle en fait de ce que Victor Hugo lui doit encore en temps de présence et en amour.

[2Allusion à la publication des Voix intérieures, dont la gestation s’éternise un peu trop selon Juliette et qui paraîtront le 26 juin.

[3Cela fait des jours que Juliette se plaint de l’abstinence que lui impose la publication imminente des Voix intérieures. D’où le sous-entendu…

[4« Avoir la langue épaisse » : avoir la langue pâteuse ou parler avec difficulté, en général après une consommation d’alcool abusive.

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