Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Juin > 14

14 juin 1837

14 juin [1837], mercredi, midi ¼

Vous voilà parti, mon cher petit homme, et Dieu sait quand vous reviendrez. Cependant, comme j’ai là une petite fille [1] qui ne demande pas mieux que d’aller se promener, je vais m’occuper d’être prête pour dans une heure. Je souffre horriblement. J’ai presque envie d’écrire tout de suite à mon médecin.
Je vous aime mon petit Toto coquet, je vous aime malgré toutes vos coupables manœuvres. Je vous aime quoique mes yeux soient parfaitement ouverts sur vos nombreux défauts tels que la fatuité, la coquetterie et l’inconstance. Je voudrais par hasard ne pas vous aimer, que je ne le pourrais pas. C’est un pli pris, une habitude, une seconde nature enfin qui a remplacé la première. Je vous aime parce que je vis. Je vous aime parce que je vous aime. Je vous aime parce que vous me semblez préférable à [tout  ? / tous  ?]. Jour to, jour mon gros To. J’ai bien du bobo, je ne sais pas comment je vais me tirer de tout ce que j’ai à faire. Je souffre horriblement. Je doute que le courage vienne à bout de cettea horrible douleur qui m’empêche de faire aucun mouvement. Je vous aime mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 297-298
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « cet ».


14 juin [1837], mercredi soir, 7 h. ½

Je n’aurais pas l’habitude de vous écrire tous les soirs, que je le ferais aujourd’hui, mon cher petit homme, parce que j’ai le cœur et l’âme débordant d’amour. Je vous aime bien plus que je ne peux contenir d’amour. Aussi suis-je réduite à en mettre dans tous les petits coins où vous devez passer, sur tous les pavés où vous devez marcher, dans l’air que vous respirez et dans le soleil que vous admirez. Vous m’avez quittée un peu souffrante et depuis mon bobo n’a fait que croître et embellir. C’est à peine si je peux me bouger d’une place à une autre. Si tu n’es pas venu assez à temps, je verrai partir sans beaucoup de regret Claire et la bonne, à la condition cependant que tu arriveras tout de suite après, comme l’autre fois. Soir pa, soir man, je vous n’aime [2]. Je vous n’aime encore plus fort que d’habitude. Il y a un an à pareille heure, j’étais déjà bien heureuse [3]. Tandis qu’aujourd’hui je suis très triste et très désappointée. Quel malheur que nous ne soyons pas riches. Pourquoi l’amour ne peut-il pas s’escompter chez les aubergistes et les loueurs de voitures ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 299-300
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Il s’agit de Claire, en vacances chez sa mère.

[2L’ajout de ce semblant de négation est un jeu langagier volontaire, pour laisser entendre une liaison fautive.

[3Juliette se remémore les préparatifs avant le voyage de l’année précédente, entrepris le 15 juin 1836.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne