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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 février [1849], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour mon doux endormi. À quelle heure êtes-vous revenu de chez votre ministre hier et à quelle heure vous êtes-vous couché ? Avez-vous eu le temps et la volonté de penser un peu à la vieille Juju qui met tout son bonheur à vous aimer ? J’en doute car vous êtes si offenséa au-dehors et au-dedans que c’est tout au plus si vous vous apercevez que j’existe à l’heure où l’habitude vous ramène près de moi. Cher adoré, je ne veux pas vous [illis.] chose qui n’est pas tout à fait de votre faute. Je veux au contraire vous dire que je suis pleine de courage et de patience et que j’attendrai que tu reprennes possession de mon cœur et de mon âme que je te garde fidèlement sans en distraire une parcelle pour quoi et pour qui que ce soit. Je ne saurai jamais assez te dire combien je t’aime, mon Victor bien aimé. Pour y parvenir il me faudrait emprunter toutes les splendeurs de ton style, toutes les sublimes images de ta pensée, toutes les merveilles de la terre et du ciel et encore mon amour serait-il humblement traduit pour tout ce qu’il éprouve d’admiration et d’adoration pour toi. Je n’essaye donc pas à faire des efforts insensés et je te dis tout simplement que je t’aime et que mon amour c’est toute ma vie. Je veux tâcher de ne pas te faire attendre aujourd’hui d’abord parce que ton temps est compté ensuite parce que cela trouble la joie que j’ai de t’accompagner par l’impatience que me cause la pensée que tu attends. Je vais me hâter de me préparer afin de n’avoir plus qu’à être bien heureuse quand tu arriveras. D’ici là, je t’envoie des millions de baisers ailés qui entreront malgré toi et se nicheront dans tous les coins et racines de ta chère petite carcasse. (Il y a des coins).

Juliette

MLVH, 46-53LASVHR et V
Transcription de Gérard Pouchain

a) « vous si êtes offensé ».


26 février [1849], lundi soir, 10 h. ½

Si vous pensez à moi, je vous le rends, si vous m’aimez, je vous adore, si vous êtes seul, je vous baise. Je ne veux pas aller me coucher avant de vous avoir dit toutes ces jolies choses parce qu’elles me poursuivraient en rêve et que je veux tâcher de dormir comme un loir jusqu’à demain matin si c’est possible. Quand je pense qu’il faudra que je sois prête à 11 h. j’en suis toute consternée à cause de tout ce que j’ai à faire. Cependant je serai prête, quand je devrais me lever à quatre heures du matin. Je ne veux pas manquer ma chère petite course. Je n’ai plus que cette manière de te voir, c’est bien le moins que j’en profite, n’importe à quelle heure, n’importe par quel temps. Aussi je vais joliment me dépêcher. Je commence dès ce soir pour être plus sûre d’être prête. En te quittant tantôt je suis entrée chez la portière savoir d’où provenait l’odeur fétide qu’on sentait à sa porte. Elle m’a répondu qu’elle croyait que c’était du pissata de chat en chaleur, qu’elle tâcherait de les empêcher de venir dans ce coin-là mais que ce serait difficile. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les chats ne sont pas toujours en chaleur et que depuis trois mois que je demeure dans la susdite maison j’ai toujours senti l’odeur agréable de la charogne. Tout cela est horrible et me dégoûte affreusement, mais qu’y faire ? Me boucher le nez et ouvrir la bouche pour te baiser, c’est ce que je fais en ce moment. Bonsoir adoré, dors bien, je t’aime, pense à moi.

Juliette

Vente Boisgirard-Antonin, expert Thierry Bodin, Drouot, salle 4, 24 mai 2019, lot n° 244
Transcription de Jean-Marc Hovasse

a) « pissa ».

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