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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 octobre [1848], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, je t’aime. Tu es mille fois bon et charmant d’être venu me voir hier au soir mais tu serais tout à fait adorable si tu complétaisa ta bonne action. Je ne te mets pas autrement les points sur les i parce que je suppose que le voisinage des 899 [1] ne t’a pas [illis.] au point de ne savoir plus les mettre de toi-même, les points. Quant à moi, c’est fermés que je compte les mettre sur tes I..-EUX pour peu [que] cet état de chose continue. Je suis honteuse de la monstrueuse stupidité dont je fais preuve à jeun et je suis tentée de prendre quelque chose avant de finir pour rappeler un peu MES ESPRITS.
Cher petit homme, sera-ce enfin aujourd’hui que tu expectoreras les grosses vérités que tu as dans la gorge depuis plusieurs jours [2] ? Je le voudrais ; d’abord parce que cela te débarrasserait, parce que cela sera très désagréable à beaucoup des 900 et que cela m’amusera très fort. Et puis tu serais moins préoccupéb et je pourrais te tirer plus d’une demi-parolec à la fois sans t’impatienter. Tâche donc de débagouler ton discours aujourd’hui. Il est vrai qu’il faut attendre les questions et qu’il ne dépend pas de toi de les faire arriver quand tu veux. Je sais cela et je te plains de rester indéfiniment dans cette position gênante, malheureusement je ne peux pas t’aider, c’est dommage car je leur en dirais de belles. 

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 343-344
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « complettais ».
b) « préocupé ».
c) « une demie parole ».


5 octobre [1848], jeudi soir, 8 h.

Je t’ai bien peu vu, mon pauvre Toto, et encore j’ai le regret d’avoir perdu une ou deux minutes du peu de temps que tu pouvais me donner. Demain j’irai longtemps d’avance. J’aime mieux attendre en vain que de perdre en retard un seul des pauvres petits moments que tu me destines. Enfin, mon cher adoré, as-tu éternué ? Ces bêtes d’interpellation ont-elles eu lieu tantôt ? J’en suis agacée pour toi et je sens tout ce que cette absurde position a de gênant et d’ennuyeux. Je voudrais pour beaucoup que tu aies pu parler aujourd’hui [3]. Pour toi d’abord, ensuite pour moi qui attends avec impatience la lecture de ton prochain discours. En attendant je cherche tout ce que j’ai de papier à peu près blanc parce que je n’ai pas pu aller aujourd’hui dans la rue du Mouton occupée que j’étais à la Barrière des Martyrs et ses environs. Plus je vois d’appartements et plus je trouve celui de la cité Rodier avantageux pour nous [4]. Il sera facile en faisant un bail de l’avoir tout de suite et il est déjà convenu qu’on me déchargera par écrit de toutes réparations locatives quand je m’en irai. Pour que je puisse terminer la chose il faut que tu le voies avec moi. Si tu veux me donner rendez-vous pour dimanche, j’irai t’attendre et nous le verrons une bonne fois pour toutes. En attendant je te baise autant que je t’aime, c’est-à-dire pour l’éternité.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 345-346
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1L’Assemblée nationale constituante compte près de 900 députés.

[2À notre connaissance, Victor Hugo n’intervient pas à l’Assemblée ce jour-ci.

[3D’après la Chronologie de Jean Massin, Victor Hugo n’intervient pas à l’Assemblée ce jour-là. En revanche, il prononce le lendemain, dans le 15e bureau de l’Assemblée, son opinion sur l’exclusion des Bonaparte.

[4Juliette Drouet y emménagera durant le mois de novembre 1848.

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