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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1846

18 mars [1846], mercredi matin, 11 h. ¾

Bonjour aimé, bonjour adoré, bonjour Toto, bonjour toi. Comment que vous m’aimez ? Moi je vous adore. ATTRAPÉ ! Je vous écris bien tard parce que depuis ce matin 8 h. je jardine avec Duval. Nous venons de faire un grandissime nettoyagea du susdit. J’ai fait épierrerb et bécherc mon jardin de fond en comble.
Mon adoré bien-aimé, merci de ton apparition, merci de ton sourire, merci de ta douce voix, merci de ton baiser, merci de toute la joie et de tout le bonheur que tu viens de me donner en une minute pour toute la journée. Je vais me dépêcher de faire mes affaires intérieures afin d’être prête et habillée dans le cas où tu aurais la bonne inspiration de revenir tout à l’heure. Tu vois l’emploi que je fais de l’argent que tu me donnes, il est toujours dépensé avant que je ne te le demande, ce qui fait que j’ai l’air d’un puits qu’on ne peut pas combler. Il y a des moments où j’en suis honteuse et où je voudrais vendre mes Zaillons pour ne pas te demander de l’argent. Cependant, mon cher adoré Toto, je te rends la justice de dire qu’il est impossible d’y mettre plus de douceur, plus de dévouement et plus de générosité que tu n’en mets. C’est probablement pour cela que mes scrupules sont plus grands. Si tu étais moins bon avec moi je serais moins gênée, peut-être même ne le serais-je pas du tout. Je t’aime mon Victor. Je t’adore mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 277-278
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyage ».
b) « épiérré ».
c) « béché ».


18 mars [1846], mercredi soir, 5 h. ¼

Il pleut bien fort, mon pauvre Toto, et il me semble que je t’ai vu en petit soulier ce matin ? Pourvu que tu ne te trouves pas bloqué à l’autre bout de Paris avec cette chaussure aérienne. Tu en es très capable et tu es très capable encore de ne t’en apercevoir que lorsque tu seras mouillé jusqu’aux genoux. Si tu es chez toi bien chaudement au coin de ton feu, restes-y jusqu’à ce que la pluie ait cessé de tomber. Malgré le désir et le besoin que j’ai de te voir, j’aime mieux te savoir à l’abri loin de moi, que de te voir exposer ta santé par le temps qu’il fait. Eh ! bien comment se comporte Cocotte avec ses nouveaux amis ? Est-elle bien aimable ? Mange-t-elle beaucoup et crie-t-elle à tue-tête ? Elle a dû se baigner hier et aujourd’hui ? En général la pluie la porte à se baigner. Il faut avoir soin qu’elle le puisse toujours faire. Ainsi qu’elle ait toujours de l’eau dans son gobelet de bâton et puis une auge en terre pleine d’eau sur le plancher de sa cage. Cette pauvre Cocotte, je la poursuis de ma sollicitude encore, quoiqu’elle m’ait fait bien du mal souvent par ses criailleries. La première fois que je sortirai je lui achèterai moi-même cette auge car il est probable qu’on n’ya penserait jamais chez toi. Je me défie de vous tous sans exception pour tout ce qui est soin. Voime, voime, je ne m’en rapporte qu’à moi dans ces choses-là, modestie à part bien entendu. Baisez-moi mon Toto et ne vous enrhumez pas le derechef si vous pouvez. Pensez à moi et aimez-moi. J’aurai alors le courage d’attendre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 279-280
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « qu’on y ». 

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