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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mars 1846

11 mars [1846], mercredi matin, 9 h. ½ 

Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour comment va-ton rhume ? Comment va ta pauvre tête ? Je pense à toi toujours et je te plains parce que je sens ce que tu souffres. Malheureusement il n’y a pas d’autre remède à ce genre de mal que le repos et la chaleur et c’est justement tout ce que tu n’as pas. Cependant mon adoré petit Toto, il ne faudrait pas pousser le courage de souffrir jusqu’à l’imprudence. Tu sais combien les congestions cérébrales sont imminentes avec ton organisation et les habitudes de travail forcé que tu as prises. Si tu en croyais ta pauvre Juju tu cesserais tout de suite toutea espèce d’occupation pour laisser passer plus vite et sans danger ton affreux rhume. J’ai le double regret en te donnant ce conseil que je crois plus que nécessaire de savoir que tu ne le suivras pas et que tu continueras à travailler et à te fatiguer de plus belle sans souci et sans pitié de toi-même. Rien n’est plus triste à penser pour moi dont tu es la vie que cette abnégation féroce que tu fais de ton repos. C’est d’autant plus triste que je sens tout ce qu’il y a de générosité et de dévouement pour moi et pour tout le monde dans l’oubli de toi-même. Mon Victor adoré, mon bien-aimé, pense à ta santé qui est mon bien le plus précieux et ne la risque pas imprudemment pour ne pas vouloir prendre quelques jours de repos. Je t’en supplie à tes genoux que je baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 251-252
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « tout ».


11 mars [1846], mercredi après-midi, 4 h. ½ 

Je vous aime mon pauvre enrhumé, mon pauvre petit enchifrenéa, je vous baise mon pauvre adoré. Est-ce que vous ne comptez pas venir bientôt vous chauffer les pieds et baigner vos yeux ? J’espérais que ces divers besoins vous ramèneraient plus vite à la maison mais je vois que je me suis trompée et que vous ne viendrez que le plus tard comme d’habitude. Cela n’est pas fait pour diminuer l’horrible mal de tête que j’ai en ce moment. Si je m’écoutais je crierais de toutes mes forces.

9 h. ½ du soir

Tu es bon entre les bons, beau entre les plus beaux, adorable et adoré, je t’aime. Tu es venu mon Victor chéri, je t’ai vu, j’ai rempli mes yeux, mes oreilles, mon cœur, mon âme de toi et comme l’appétit vient en mangeant, j’ai plus faim et plus soif que jamais de ta vue, de ta voix, de tes baisers et de ton amour. Tâche de revenir ce soir si ton rhume le permet car je ne veux pas de mon bonheur au prix d’une souffrance pour toi. Tâche de venir si tu es débarrassé de bonne heure, si tu n’es pas trop courbaturé par la fièvre de ton rhume mais dans tous les cas pense à moi, regrette-moi, désire-moi et aime moi. Tu ne me rendras encore que la moitié de ce que j’éprouve pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 253-254
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « enchiffrené ».

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