Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Mars > 4

4 mars 1846

4 marsa [1846], mercredi matin, 9 h. ½ 

Bonjour mon Toto, bonjour mon cher petit Toto, bonjour, bonheur et baisers à toi, je t’aime. Comment vas-tu ? Bien je l’espère, il fait un temps qui ne me permet pas d’être malade mais qui n’empêche pas d’être triste, j’en sais quelque chose. L’abrutissante Mlle Féau s’en est allée hier à dix heures. J’ai achevé la lettre que j’étais en train de t’écrire quand elle est venue et puis je me suis couchée. J’ai lu jusqu’à minuit et j’ai éteint ma bougie en désespoir de cause car je savais bien que tu ne viendrais pas. Toute la nuit j’ai assisté à une représentation de Ruy Blas. C’était éblouissant, je regrettais ce matin en m’éveillant qu’il n’y eût pas plusieurs nuits dans la pièce. Malheureusement on ne peut guère rêver le jour et la réalité n’est pas toujours aimable pour tout le monde. Je tâche de me faire illusion le plus que je peux en pensant que tu vas venir tout à l’heure mais cela ne me ragaillardit pas beaucoup parce qu’au fond de mon cœur je sais bien que tu ne viendras pas avant tantôt et que tu ne resteras que quelques secondes. Tu n’as de temps à me donner que lorsque je n’en peux pas profiter. Je n’en accuse que le sort mais cela ne me console pas davantage de l’occasion que j’ai perdue hier par la faute de cette bonne et stupide Mlle Féau. Si j’avais osé en rentrant dans ma chambre je l’aurais griffée tant j’étais furieuse. Il est vrai que je lui ai donné un mauvais dîner. C’est toujours ça et j’espère que cela la dégoûtera pour longtemps. Je voudrais, bien-aimé, que tu me rendisses tantôt la promenade que j’ai perdue hier. Tu serais bien gentil et je te baiserais bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 223-224
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « février ».


4 marsa [1846], mercredi après-midi, 4 h. ¾ 

Je ne suis pas sortie, mon bien-aimé, malgré ce dont nous étions convenus parce que cela n’était guère possible avec les fumistes, le lot de Suzanne, la blanchisseuse et le mauvais temps brochant sur le tout. Demain je dois aller voir ma fille et si tu le veux j’irai de chez elle au Faubourg Saint-Germain. Suzanne pourra de son côté profiter de mon absence pour aller montrer son porte-cigare car c’est un porte-cigare dont l’a gratifiée le sort, à sa cousine. Aujourd’hui elle n’aurait pas pu car il fallait laver et nettoyer tout le gâchis du rapiatª. J’espère mon doux aimé que tu te souviendras de la prière que je t’ai faite en te quittant de passer chez moi en revenant de la Chambre. Je vis dans l’espoir de te voir tout à l’heure, ce qui me fait prendre en patience le mal de tête dont je suis ornée, mal de tête dont la moitié au moins revient à Cocotte et l’autre moitié à vous, scélérat, qui ne voulez pas me la prendre. Je vous préviens que votre bill est sur le point de se changer en Pile sur votre dos si vous ne vous dépêchez pas de faire ce que je vous demande depuis si longtemps. En attendant je souffre et je rage comme plusieurs Juju et je bisque comme un chien. Baisez-moi bien vite et aimez-moi bien fort si vous ne voulez pas que je me fâche bien rouge. Cher petit homme adoré, tu sais que je t’attends. Tâche de venir bien vite. Je te baiserai bien pour la peine.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 225-226
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « rapias ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne