26 octobre 1878

Guernesey, 26 oct[obre 18]78, samedi matin, 7 h.

Bonjour, mon doux adoré, comment as-tu passé la nuit ? L’orage, la pluie, la tempête et ton emplâtre ne t’auront-ils pas empêché de dormir ? Voilà ce que je me demande avec inquiétude. En attendant qu’on m’apporte le bulletin de ta nuit, je te recommande, puisque tu es forcé de sortir aujourd’hui pour le rachat de la dernière rente sur ta maison, d’avoir une voiture fermée et de ne pas risquer inutilement le rappel de la petite bronchite dont tu es à peine délivré. Tu feras bien aussi de profiter de cette voiture pour aller à la banque pour peu que tu aies autant besoin d’argent que moi, surtout aujourd’hui, jour de grand marché (samedi). Je ne te dis que ça !
Je te demande pardon pour ce gribouillis qui se ressent trop du temps hideux de ce matin. Je veux te sourire et te dire toutes sortes de choses tendres et charmantes, et je ne parviens qu’à ce mot unique : je t’aime ! Il faut t’en contenter si tu peux. Quant à moi, si tu me le dis de même : je t’aime ! j’en ferai mon bonheur éternel.

Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House

Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]