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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Mercredi 4 février [1846], jeudi soir, 9 h. ½ du matin

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour mon pauvre doux, mon ravissant, mon généreux homme. Bonjour mon âme, je t’adore. Si tu savais combien et comment je t’aime, tu en serais fier, tout grand et tout divin que tu es. Je t’aime tant que je ne trouve pas de mots pour te le dire, tous me paraissent pâles et insignifiants auprès de ce que je sens. Mon Victor chéri, je t’aime à deux genoux. J’aurais voulu sortir hier au soir pour avoir la joie de marcher avec toi mais je ne le pouvais vraiment pas. Ce matin j’en souffre, de mon pied, à en pleurer [1]. Cette nuit même j’en ai souffert horriblement. Je ne sais pas s’il ne serait pas prudent de consulter M. Triger car ce n’est pas un mal de pied ordinaire. Tu sais que je n’use pas beaucoup du médecin et que ce n’est qu’à mon corps défendant et vaincue par le mal que je m’y décide. Il est triste de penser que je ne peux même pas profiter des rares occasions où tu pourrais me faire sortir. Décidément je m’insurge contre ce stupide mal et je demande qu’on me l’enlève par tous les moyens possibles. Je veux sortir avec mon Toto, moi, je le veux, je le veux, je le veux comme un rasoir, je le veux comme un chien, je le veux comme tout. Baisez- moi, vous, et venez bien vite. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 119-120
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


4 février [1846], mercredi soir, 9 h. ¼

Ne pas te revoir ce soir, mon doux bien-aimé quand je t’ai à peine vu dans la journée, cela n’est pas possible et j’espère que tu feras ce petit effort pour venir me dire un petit bonsoir, le temps seulement de m’embrasser et de manger ton petit raisin auprès de ta petite Juju dans son pauvre petit lit. Si tu ne viens pas je passerai une très mauvaise nuit et je serai très malheureuse et très méchante demain. Il faut absolument que tu viennes, mon amour, je t’en prie, je t’en supplie. Je viens de voir mes deux solliciteuses, la mère et sa fille [2], dire avec quels transports de reconnaissance elles ont reçu ta lettre serait impossible. Je crois mon adoré que ta bonne action est bien placée cette fois et que je n’aurai jamais à me repentir de t’avoir prié de la faire. Demain elles apporteront la pétition dans la journée et le soir elles viendront la reprendre, après quoi tout sera dit pour ce qui te regarde. Tu es bon, mon Victor, je t’aime, mais je veux te voir ce soir. Je vais prier le bon Dieu tout à l’heure pour qu’il t’inspire la volonté de venir me voir n’importe à quelle heure. Mon Toto, mon amour, ma vie, ma joie, tâche de venir, je t’en prie de toutes mes forces et de toute mon âme. Je baise tout ton cher petit corps depuis pater jusqu’à amen.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 121-122
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « transport ».

Notes

[1Il s’agit d’une crise de goutte.

[2Une dame juive sollicite la recommandation de Victor Hugo pour placer sa fille à la pension de Mme Marre où étudie et exerce Claire (voir lettres du 2 février).

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