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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15a février [1848], mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon divin bien-aimé, bonjour, je t’aime. Je ne veux pas que tu souffres et que tu sois triste, c’est-à-dire que je prie le bon Dieu de t’épargner toutes les douloureuses épreuves de cette vie. Un homme de dévouement et d’abnégation comme toi, un être, si doux, si admirable et si sublime ne devrait pas être soumis aux mêmes chagrins que le commun des martyrs. Si cela dépendait de moi, la justice distributive ne te donnerait que la gloire, la joie et le bonheur de ce monde sans aucun de ces soucis ni de ces déceptions. Malheureusement je ne suis rien dans le gouvernement du bon Dieu, ce dont j’enrage bien fort quand je te vois malheureux.
Comment vas-tu mon bien-aimé ? As-tu bien soupé ? As-tu bien dormi ? Moi je t’ai bien aimé, bien béni et bien adoré. Aussi je vais très bien ce matin. Je voudrais être sûre que tu vas bien et que tu n’as plus aucune inquiétude et je serais très heureuse. Je devrais ne pas renouvelerb ta triste préoccupation en te parlant mais je suis si maladroite que je ne sais pas trier dans mon esprit ce qu’il faut que je te dise de ce que je pense. C’est toujours ce que je pense qui sort le premier quand bien souvent je devrais le cacher. Cette manière d’être ac bien son inconvénient et je le sens chaque fois que je t’afflige et que je t’ennuie en te rappelant des choses tristes et désagréables. Et pourtant Dieu sait si je t’aime et si je voudrais au prix de ma vie t’épargner le moindre chagrin. Mon Victor, je te souris, je t’aime, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 67-68
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « 14 ».
b) « renouveller ».
c) « Cette manière d’être à ».


15a février [1848], mardi, midi ¾

Le temps n’est pas très encourageant cependant il est probable que je sortirai tout à l’heure en compagnie de Suzanne. Cette pauvre fille ne sort pas souvent et je vais lui donner l’immense plaisir de faire un tour sur le boulevardb avec moi. Quel bonheur ! C’est dommage que j’éternue tant que mon papier en est tout mouillé. Ça n’est pas trop propre mais je ne peux pas me retenir. Je suis dans un état hideux dans ce moment-ci. Je te conseille de prendre garde à toi car les rhumes de cerveau sont à l’ordre du jour, et quoique ça ne soit pas dangereux, cela fait souffrir et tu n’as pas BESOIN de cela. Je compte aller d’ici jusqu’à la rue Vivienne et revenir par l’autre côté du boulevard. Seulement cela ne peut pas t’avancer à grand-chose ce que je te dis là puisque nous ne sommes convenus de rien. Je serai ici de trois à quatre heures, peut-être plus tôt, cela dépendra de l’heure à laquelle je sortirai. Je vais tâcher que ce soit bientôt.
Comment vas-tu mon petit homme ? Je ne te demande pas si tu penses à moi, je sais que tu n’en as pas le temps. Seulement vous ne devez pas penser à UNE AUTRE si vous êtes honnête homme comme je l’espère et comme je le crois. Baisez-moi ou plutôt laissez-vous baiser par moi et ne dites rien, vous êtes mon grand Toto que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 69-70
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « 14 ».
b) « boulevart ».

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