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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 février [1848], mardi, 9 h. du matin

Bonjour, mon cher adoré, bien aimé, bonjour mon Victor, comment vas-tu ce matin ? Es-tu plus content de ton Charlot ? Il est impossible que ce garçon ne sente pas très vivement le besoin de devenir un homme digne du nom qu’il porte et de l’affection si tendre que tu as pour lui. On le voit dans ses lettres, il aspire à te contenter mais la fougue de la jeunesse emporte ses bonnes résolutions aussitôt qu’il les a conçues [1]. C’est un peu de patience à avoir. La bonne crise est peut-être plus prochaine que tu ne le crois. Surtout ne sois pas triste, mon adoré, je t’en prie à genoux. Dès que je vois le moindre petit nuage sur ton beau front, cela me remue tout le cœur et me donne envie de pleurer. Ce n’est pas sensiblerie, tu le sais, mais je t’aime si profondément que tout ce qui t’arrive de mal m’émeut plus que ne le font mes chagrins personnels. Ne sois pas triste, mon Victor, j’ai le pressentiment que tout cela ne sera que de courte durée. Plus c’est fort et moins c’est long. Pardonne-moi de te parler de cela mais c’est que je m’en occupe avec la même sollicitude que si j’étais la mère de ce trop beau garçon. Il me semble que tout ce qui t’appartient m’appartient et surtout ne te tourmente pas, je te dis que cela ne sera rien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 51-52
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette


8 février [1848], mardi après-midi, 4 h.

Cher adoré, M. D. [2] sort d’ici après m’avoir dit qu’il n’avait pas d’autres renseignements à me donner sur la police d’assurance que ceux qu’il t’a déjà consignées sur le papier que j’ai entre les mains. Il prétend que toi seul peut faire cette démarche auprès de la compagnie. Du reste, pour ce qui est de l’assurance contre l’incendie, il dit qu’il n’a rien à m’apprendre non plus et qu’il faut le faire faire au nom de Lanvin puisque c’est à son nom qu’est le loyer. Voilà tout ce qu’il y a à faire pour ma sécurité à l’endroit de mon mobilier. Je vais me dépêcher d’aller te chercher. Peut-être seras-tu un peu moins préoccupéa et pourrai-je échanger quelques douces paroles avec toi. J’en ai bien besoin je t’assure. Un mot de toi me donne plus de joie au cœur que toutes les distractions du monde. J’espère que tu n’es plus triste et que tout est rentré dans l’ordre autour de toi. Je voudrais déjà en être sûre pour voir ta charmante et douce figure heureuse et souriante. Aussi je vais tout à l’heure prendre mes jambes à mon cou pour t’aller chercher. En attendant, j’envoie ma pensée, mon âme et mon amour au-devant de toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 53-54
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « préocupé ».

Notes

[1Juliette Drouet, qui sait Charles Hugo bouleversé par sa rupture avec Alice Ozy à l’automne 1847, ignore tout de la rivalité amoureuse qui a opposé ce dernier et son père, qui fréquentait lui-aussi la jeune femme.

[2M. Démousseau.

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