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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1848

23 mars [1848], jeudi matin, 9 h. 

Bonjour, mon Toto, bonjour de tous les côtés à la fois. Comment allez-vous ce matin ? J’espère que rien ne s’oppose à ce que vous soyez aussi heureux, aussi taquin, aussi plein de santé et aussi généreux qu’hier. Voime, voime, viens y changer de mouchoir, de gilet et de chemise chez moi, tu verras comment je te recevrai. En attendant je me goberge dans mes 150 francs de subvention à votre nez et à votre barbe. Je compte même sur l’excédent me faire un petit boursicot d’amour qui vous fera la nique. C’est dans cette intention que je bois de l’eau, pas claire, et que je vous prive de tire-jusa. Vous verrez que je deviendrai très forte dans l’art de tondre les œufs et de faire de la soupe aux caillouxa. Déjà j’ai mis beaucoup d’eau dans mon encre et pas de vin dans mon eau. C’est un petit commencement que je compte perfectionner et amener à bien sous la meilleure République. Maintenant laissons la politique de côté et parlons d’autre chose. Je voudrais savoir si vous avez répondu à la lettre sentimentale de Mlle Fargueil et ce que vous lui avez répondu. Je trouve passablement étonnant cette notoriété d’intérêt que vous portez à cette demoiselle au point que ce soit à vous que les directeurs, voire même les acteurs et les premiers venus s’adressent comme au tuteur, au mari à l’amant influent de la susdite jeune première. J’avoue que ceci m’intrigue encore plus que la manière d’arriver à nouer ensemble les cordons de [150 francs  ?] de mon moi. Je désire que vous me donniez une bonne explication de ce fait passablement suspect.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 109-110
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « tirejus ».


23 mars [1848], jeudi, midi ½ 

Je ne sais pas encore si je sortirai, mon petit homme, à cause du temps, et de la nécessité de compter avec ma blanchisseuse. Cependant si tu ne venais pas avant d’aller à l’Académie, j’irais t’attendre chez Mme Tissard coûte que coûte, pour ne pas t’inquiéter n’étant pas prévenu. Il faut que la chose soit bien sérieuse pour que je me résigne à me priver d’une seule chance d’être avec toi pour raison d’économie. Mais c’est qu’en effet c’est très sérieux et c’est à grand peine que j’y arriverai quoique tu aies l’air de penser que j’aie une énorme marge de VELOURSa à ma disposition. Jusqu’à présent je ne vois que mes chemises en loques et mes brodequins déchirés. Peut-être qu’à force d’y regarder de plus près finirais-jeb par trouver dans mes 150 francs par mois, des KALAÏCHES ou quatre chevaux, du vin de champagne à indiscrétion, des bottines de veloursc et des chemises de batiste brodées. Je ne dis pas non mais il faut le temps de se faire la vue. En attendant je ne vois que beaucoup de cornes, pas d’abondanced, mais en abondance, et plus de Fargueil que je n’en peux supporter même en temps de République Française. Je désire que tout cela aboutisse au bonheur et à la prospérité de l’humanité toute entière mais gare les giflese et les griffes de la liberté de Juju.

BnF, Mss, NAF 16366, f. 111-112
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « velour ».
b) « finirai-je ».
c) « velour ».
d) « abondances ».
e) « giffes ».

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