31 octobre 1847

31 octobre [1847], dimanche après-midi, 2 h.

Je t’attends, mon Victor et cette fois sans mal de tête. J’espère que nonobstant mes abonnées [1] du dimanche je resterai avec toi au moins jusqu’à l’heure du dîner sans en rien donner à personne. Je laisserai la politesse au porte-manteau pour être tout entière à toi. Cela t’est bien égal au fond puisque tu travailles et que tu ne sais même pas dans ces moments-là si j’existe. Mais c’est pour moi, pour ma satisfaction particulière et pour mon propre bonheur ce que j’en fais. Je viens de voir Clémentine tout à l’heure. Cette pauvre enfant a perdu sa place, ce qui la rend très triste et l’inquiète beaucoup. Je lui ai promis de parler d’elle à M^lle Féau pour lui chercher une autre place. Et puis je ne sais pas pourquoi je te dis cela car tu n’as pas le temps de t’occuper de mes connaissances. C’est une manie que j’ai de t’écrire comme si je te parlais au lieu de faire DU STYLE. Décidément Juju est une vieille bête, voime, voime, il êdre pien frai [2]. Avec tout ça je suis encore en retard car enfin il est deux heures et je ne suis pas encore habillée. Voyons vite tendez vos deux joues et votre museau que je me dépêche d’y fourrer des monceaux de baisers et de caresses. Que je vous voie vous en aller avant que j’aie fini et je vous ficherai des bons coups. Restez encore, encore, encore, toujours, toujours, toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 258-259
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette