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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1843

27 mars [1843], lundi matina, 10 h.

Bonjour mon cher petit bien-aimé ! Bonjour mon adoré petit homme. Pense à moi, aime-moi et viens bien vite m’apporter ton cher petit nez à baiser. Quelle belle préface mon Toto, c’est aussi beau que la pièce ! Je crois que son apparition fera une très bonne sensation dans le public. Depuis que tu m’as dit ton projet, je suis on ne peut plus calme et on ne peut pas plus tranquille. Je comprends maintenant pourquoi toutes ces misérables cabales ne t’émeuvent pas. Pauvre ange adoré, quoi que disent et quoi que fassent tes stupides ennemis, tu seras toujours le plus noble, le plus généreux et le plus grand des hommes.
J’irai demain, sans aucune espèce de crainte, à la représentation, doublement rassurée par ton admirable préface et par ton noble projet. Je suis sûre, même, que ces deux choses réunies auront une très bonne influence, même sur les ennemis, quoiqu’il n’y ait extérieurement que la préface qui doive influencer le public. Mais il me semble que ta résolution, que personne ne connaît, est si noble et si généreuse qu’elle doit influencer par magnétisme. Je ne sais pas si je me fais comprendre de toi mais je m’entends très bien et je suis pleine de confiance sur ce qui doit arriver quel que soit l’événement.
Mon cher adoré, je te vénère, je te respecte, je t’admire, je t’adore et je t’aime comme ce qu’il y a de plus loyal, de plus généreux, de plus grand, de plus sublime, de plus doux et de plus charmant au monde. Pense à moi si tu peux et tâche de prendre un petit moment sur tes affaires sans nombre pour venir m’embrasser tout à l’heure. Cela me donnera de la joie pour toute la journée.
En attendant je vais finir de lire mes Burgraves que j’ai eu le courage de quitter cette nuit à moitié chemin par respect pour vos ordres puisque vous ne voulez pas que je veille longtemps après que vous êtes parti. Je t’aime, baise-moi. Je t’adore, aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 265-266
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « 27 » a été corrigé d’une autre main. On comprend pourquoi : le 27 mars est un lundi. Mais c’est bien le 27 mars que la lettre a été écrite, et c’est « mardi » qu’il faut corriger en « lundi ». Les allusions à la lecture des Burgraves, et le fait que cette lettre est celle du matin (il en existe une autre du matin pour le mardi) invitent à considérer qu’il n’y a pas lieu de reclasser cette lettre dont le folio correspond à l’ordre chronologique.


27 mars [1843], lundi après-midi, 4 h.

Pas encore vu, mon Toto, et moi qui te désire et qui t’aime tant, ça n’est pas juste. Du reste, mon pauvre bien-aimé, je me rends bien compte que tu n’as pas un moment à toi aujourd’hui, surtout que ton livre a paru. Ta préface a dûa remuer de nouveau toutes les sympathies et toutes les intelligences. Je n’ai jamais rien lu de plus grand, de plus clair, de plus calme et de plus majestueux que cette préface. Ne ris pas de moi, mon adoré, d’oser te dire mon admiration au risque de la formuler maladroitement. Je ne peux pas la retenir toujours en dedans de moi. Il faut bien que je la laisse sortir et s’abattre comme elle peut à tes pieds.
Je ne [me] suis pas levée de mon lit avant d’avoir lu toute la pièce, les notices et la ravissante chose du poète. Pour moi, qui sais la pièce par cœur, j’ai été attristée de la quantité des beaux vers qu’il a fallu sacrifier à la malveillance stupide de ces hideux goistapioux des représentations. Je voudrais être plus vieille d’un an, et Dieu sait que ce souhait ne m’est pas facile à faire, pour entendre ta pièce jouée comme tu l’as conçueb. Quel bonheur !!!!!
En attendant, il faut se résigner à la savourer au coin de son feu et se préparer à entendre grogner les porcs du Nationalc et beugler les veaux du Constitutionnel demain aux endroits les plus beaux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 263-264
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « du ».
b) « consue ».
c) « le Nationnal ».

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