Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Février > 12

12 février [1843], dimanche matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé. Bonjour mon adoré petit homme. Ne sois pas triste, mon cher petit, ne te tourmente pas, mon Toto, l’incident d’hier, tout fâcheux qu’il soit, n’aura pas d’influence sur le bonheur de ta chère Didine. D’abord, rien ne prouve qu’il n’y aura pas toujours des sources dans ce terrain ; et puis, Didine, prévenue et conseillée par toi, sera une petite personne très prudente et très raisonnable. Ainsi, mon Toto chéri, ne te tourmente pas et ne tourmente pas cette pauvre enfant par un excès de sollicitude paternelle trop vivement alarmée.
Comme d’habitude, j’ai été encore injuste et méchante envers toi hier. Mais je souffre tant, et je sens si bien que cela tient au régime irritant que je mène depuis près de trois ans, que tout ce qui me paraît oubli et indifférence de ta part m’exaspère, avant même que j’aie eu la patience de m’informer si ces torts apparents sont réels. C’est ce qui m’est arrivé hier, mon Toto, et je t’en demande pardon de tout mon cœur. Pauvre adoré, tu as déjà trop d’ennuis et de tourments dans ce moment-ci et je ne devrais pas y ajouter par des tracasseries injustes. Je le sens mon Toto et je m’en veux de ne savoir pas résister mieux que cela à mes impatiences et à mes nerfs. Enfin, que veux-tu, mon cher bien-aimé, ce n’est pas la faute de mon amour car je t’aime et je donnerais ma vie pour toi et pour les tiens. Tu le sais, n’est-ce pas mon adoré, et c’est ce qui te rend si doux et si indulgent pour mes injustices ? Je l’espère du moins.
Je t’écris une grosse lettre tout de suite parce Mme Pierceau doit venir en même temps que M. D. [1] à 2 h. ½ et que je ne pourrai guère t’écrire, elle étant là. Je tâcherai d’expliquer l’affaire à M. D. de manière à être comprise et à terminer cette chose puisque tu consens à ce sacrifice énorme dont je ne saurai jamais t’avoir assez de reconnaissance. Je n’ai pas encore pu rassembler tous les mois de l’année 1842 pour faire le compte total de l’année à cause du mois où j’ai été malade, pendant lesquels on n’a rien transcrit. [2] Cependant j’en viendrai à bout, mon Toto. J’ai déjà fait les comptes des trois derniers mois, le reste viendra avec de la patience, ainsi que les recherches sur les créanciers.
Je voudrais te voir, mon Toto, pour savoir si tu es moins triste que cette nuit et pour t’embrasser à bouche que veux-tu ? Si tu as un moment dans la journée, donne-le moi, mon cher adoré, je serai si heureuse de te voir, surtout si ta chère petite figure est rayonnante comme d’habitude. Dépêche-toi mon Toto chéri. Je t’en prie bien fort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 137-138
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1M. Démousseau.

[2Juliette a été malade fin février début mars 1842.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne