Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1868 > Janvier > 1

1er janvier 1868

Guernesey, 1er janvier 1868, mercredi matin, 8 h.

Je te remercie, mon grand bien-aimé, de me mettre de moitié dans ta prière à Dieu quand tu lui demandes de ne pas nous séparer ni dans la vie ni dans la mort. C’est ma prière de tous les instants, l’aspiration de mon cœur et la foi de mon âme. Je ne suis pas une femme dévouée, mon sublime bien-aimé, je suis une femme qui t’aime, qui t’admire et qui te vénère. Vivre près de toi, c’est le paradis. Mourir avec toi, c’est la consécration de notre amour pour l’éternité. Je veux vivre et mourir avec toi. Je le demande à Dieu comme tu le lui demandes. J’espère qu’il nous exaucera tous les deux. Je sens comme toi, mon cher bien-aimé, que nos deux chères âmes planent au-dessus de nous, qu’elles veillent sur nous et qu’elles nous bénissent. Je les associe à toutes mes pensées, à toutes mes douleurs et à toutes mes joies et je mets ma prière sous leurs ailes pour qu’elles les portent aux pieds de Dieu. Je les bénis comme elles me bénissent, avec ce que j’ai de plus doux et de plus saint et de plus sacré dans l’âme. Je m’interromps presque à chaque ligne pour relire mon adorable petite lettre [1] que je sais pourtant déjà par cœur. Je la baise, je lui parle, je l’écoute et puis je recommence et je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 1
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud, Souchon]

Notes

[1La voici : « Un beau soleil se lève en ce moment sur le dernier jour de l’année qui finit, et demain notre amour se lèvera sur le premier jour de l’année qui va commencer. Nous avons dix-sept ans d’exil et trente-quatre ans d’amour, juste le double. Et grâce à l’amour, ô mon doux ange, il n’y a pas eu d’exil. Tu as été pour moi une patrie. Tu as mis ton rayon dans ma solitude. J’ai fait mon devoir appuyé sur ton dévouement. S’aimer, quelle force ! c’est là toute la lumière des anges. Ce mot me fait penser à ta fille et à la mienne. Pendant que j’écris, elles se penchent et lisent ces lignes par dessus mon épaule, et il me semble que je sens leur souffle céleste. Ô nos anges, veillez et priez avec nous ! Vous savez, vous qui êtes dans l’infini, ce qui guérit et ce qui bénit, donnez-nous-le. Je demande tout à Dieu pour toi, ma bien-aimée, et qu’à toute heure, en tout lieu, il nous laisse nous envoler ensemble. Mon espérance c’est toi ; mon éternité étoilée a ton beau regard mêlé à sa lumière. Vivre où tu vivras, mourir quand tu mourras, partager ta résurrection radieuse, voilà mon espoir et mon vœu profond. Je t’aime ! »
Lettre de Victor Hugo à Juliette Drouet du 31 décembre 1867, envoyée le 1er janvier 1868 (éditée par Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 249).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne