7 mai 1856

Guernesey, 7 mai 1856, mercredi matin, 11 h.

Bonjour, mon grand petit homme, bonjour mon divin bien-aimé, bonjour. L’espoir de passer la soirée avec toi m’empêche d’être malade, mon cher petit Toto, mais je crois que lorsque je n’aurai plus ce doux motif de santé je prendrai le lit sérieusement. J’ai passé cette nuit complètement blanche mais plus j’approche du moment où je te verrai et moins je me souviens de mes souffrances. Ce soir je serai gaillarde et geaie, quitte à crever la nuit prochaine quand tu ne seras plus là ; en attendant je me délecte dans la lecture des comptes rendus et des citations de ton beau grand livre [1] que j’adore. Je ne te demande pas si tu viendras de bonne heure parce que je crois que tu es trop occupé de ton emménagement pour pouvoir venir avant l’heure du dîner mais je ne peux pas m’empêcher de désirer que quelque incident heureux ne t’amène bientôt auprès de moi. Je le désire avec tout ce qui [vit ?], pense et respire et aime en moi et que ton absence attriste et fait souffrir^a. Jusque là je prends mon courage à deux mains et je tâche de me faire une bonne mine pour ce soir en t’aimant de toutes mes forces et de toute mon âme. De ton côté, mon cher petit homme, pensez à moi entre les chaises entre les chaises qui s’en vont et les tables qui entrent [2] pour que mon cœur s’emplisse de joie en vous attendant.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 139
Transcription de Chantal Brière

a) « soufrir ».