Guernesey, 10 juillet [18]64, dimanche, 2 h. après-midi
Je vois, sans étonnement, je dois le dire, qu’il est avec la sévérité protestante des accommodements absolument comme dans le bigotisme catholique [1]. Témoin la visite que vient de me faire le docteur Corbin sans aucune nécessité que celle de mettre quelques shillings de plus dans sa poche LE SAINT JOUR DU DIMANCHE. Du reste il s’est trouvé au moment où j’étais en proie à ma soif ardente et il a pu constater l’état de ma bouche. Il paraît que tout cela tient à une cause unique : l’état de mon estomac. Il voudrait que je prisse un purgatif tous les quinze jours pour réagir contre la bile dont j’ai surabondamment, dit-il. Tout cela n’est pas autrement prouvé, mais puisque j’ai fait la faute d’appeler le médecin, je dois en subir les drogues. Aïe, aïe, aïe, c’est bien fait, fallait pas que j’y aille. Heureusement que j’ai le sauve qui peut du voyage, ce qui me redonne du cœur au ventre, autrement je serais à plaindre. Il fait un temps charmant, mon doux adoré, et nous allons faire une bonne petite promenade avec ton cher petit Toto [2] ce soir sans souci de [illis.] médecine et de son auguste famille. J’espère que tout va bien dans Georges Road [3] et que nous sommes tous en bonnes dispositions de santé, de vie, de joie, d’amour et de bonheur. Je commence par vous montrer le chemin. Suiiiiiiivez-moi ! En attendant, je vais tâcher d’écrire à Mme Luthereau et essayer de la détourner s’il se peut de son projet de Villers [4]. Ce sera difficile car elle paraît y tenir plus que de raison. Enfin je vais faire de mon mieux en vue de t’épargner une [3 mots illisibles] d’empêcher peut-être pour elle une catastrophe.
BnF Mss, NAF 16385, f. 184
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette