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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 décembre [1838], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher petit paresseux, il paraît que vous avez craint d’être obligé de vous lever de bonne heure que vous n’êtes pas venu ? Moi, j’ai déjà déménagé ma chambre et je vous écris sur la petite table de la salle à manger entourée de mon bataclan que je transporte avec moi partout parce que j’y tiens plus qu’un évêque à ses reliques. Les ouvriers ne sont pas encore arrivés ça serait drôle s’ils ne venaienta pas du tout. Pour le coup je me fâcherais tout rouge avec le Jourdain. Avec ça que je me suis levée souffrante et que selon ma louable habitude quand je n’ai pas assez dormi j’ai eu le mal de cœur et LES SUITES. Je pense que je verrai Mme Krafft aujourd’hui. Mon pauvre bien-aimé, c’est à toi que je devrai cette nouvelle tranquillité et la purification d’une de mes nombreuses souillures de créanciers. Si je pouvais t’en aimer plus, je le ferais par reconnaissance mais je t’ai donné dans mon premier baiser toutes les facultésb aimantes de mon moi. Depuis je suis tout admiration et tout adoration devant toi je t’aime en maîtresse et en dévote. Vous êtes beaucoup trop joli avec votre paletot, mon petit homme. Et si j’entendais bien mes intérêts je devrais vous défendre de le mettre. J’ai peur que les boutons dont j’ai orné votre habit hier ne soientc pas noirs au jour ce serait gentil et vous ne seriez guère en colère contre moi. Cependant je l’ai fait dans une bonne intention et je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 240-241
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « s’il ne venait ».
b) « facultées ».
c) « soit ».


16 décembre [1838], dimanche soir, 11 h.

J’ai vu madame Krafft il y a une heure mon cher bijou, elle a terminé notre affaire réduction de 7 F. 95 c. centimes faitea. De plus elle se fera faire des bons de 20 F. par mois jusqu’à la concurrence de 280 F., par cette femme, qu’elle sera censée me remettre de mois en mois comme si cette créature avait adhéré à notre premier arrangement, je pense avec Mme Krafft, que de cette façon cette femme est parfaitement la dupe de notre petit triquemaque. Du reste j’ai là le reçu parfaitement en ordre. Mais mon pauvre adoré quel surcroît de charge et de travail tout cela va te donner, je n’ose pas y penser et si je pouvais mêler la plaisanterie à une chose aussi sérieuse et aussi sainte je te dirais que je scierais volontiers tout le bois du théâtre Ventadour à la condition de te délivrer de tout ce qui me concerne et avec l’espoir de laisser reposer tes beaux yeux adorés pour continuer cette métaphore sinon bucolique au moins Buche Olique. Je te disais qu’on emménage ce soir au-dessus de ma tête et qu’on se livre à un concert excessif de falourdes et de collerets [1] en attendant la VOIE de bois du ténor de la Renaissance. Il est impossible de mieux agacer les nerfs et de faire plus de tapage. Je suis sûre que le concert d’hier au théâtre Ventadour n’était que du mirlitonnage en comparaison de celui-ci. Je vis avec toi mon adoré pour te cacher que je t’aime avec adoration.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 242-243
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « fait ».

Notes

[1Falourdes et collerets : fagots de bois.

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