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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 décembre [1838], jeudi après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon petit homme chéri. Je t’écris de mon lit comme une paresseuse que je suis, parce qu’il fait un froid de chien et que je ne veux pas allumer de feu, que j’ai mal à la tête et que je n’espère pas que tu viendras me chercher pour aller chez la mère Gaucher encore moins que tu me mèneras ce soir à Ruy Blas. Je reste donc dans ma solitude, dans mon lit et dans ma crasse ; et je t’aime plus que jamais. Je voudrais mon petit homme que tu prisses sur toi de faire relier tout de suite les volumes de poésie et Ruy Blas pour Mme Krafft. Nous n’avons que le temps juste d’ici au jour de l’an et il est de toute nécessité que nous lui donnions à cette époque ses étrennes de l’année passée. Elle paraît piquée dans ce moment là et si tu pouvais la dispenser d’aller au théâtre tous les mois chercher mes appointements, tu me ferais plaisir et à elle aussi probablement. J’ai reçu avec une circulaire d’épicier une volumineuse lettre que je suppose d’un créancier. Je n’en ai pas reconnu l’écriture mais je la flaire ainsi. Pendant que je suis en train de t’ennuyera, je vais te parler des Lanvin. Si tu pouvais obtenir chez toi qu’on prenne la peine de faire un paquet des vieilles hardes de tous les sexes et de tous les âges, tu leur feraisb bien du bien et cela nous porterait bonheur au commencement de l’année et puis si tu voulais m’aimer autant que je t’aime nous serions bien heureux et bien amoureux car je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 230-231
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « ennuier ».
b) « ferait ».


13 décembre [1838], jeudi soir, 5 h. ¼

Tu es le meilleur et le plus généreux des hommes, mon Victor, il faut que je te le dise car j’ai le cœur gonflé d’amour et d’admiration pour ta bonté ineffable. Ce que tu viens de faire tout à l’heure pour réparer un mouvement d’impatience bien excusable dans ce moment ci, est charmant de bonté et de douceur, je ne l’oublierai jamais et c’est un exemple que je tâcherai de suivre le plus que je pourrai. Je suis encore sous l’impression de cette ignoble lettre que nous venons de lire. Je suis aussi indignée que révoltée de la stupide lâcheté de cette ignoble femme [1]. Certes, si j’étais un MARCEL [2] quelconque, je la ferais guillotinera dans les 24 minutes et sans le moindre remordsb. Quelle affreuse punaise humaine. J’ai peur que tout cela ne te fatigue et ne te dégoûte de moi à la longue. J’ai bien du chagrin va et j’ai bien besoin que tu m’aimes pour me rassurer. Je suis triste dans l’âme. Cependant mon adoré tu viens d’être admirablement bon et je t’aime du fond du cœur et avec vénération. C’est sans doute toi, tu avais oublié ta clef.

9 h. du soir

J’ai fini tout mes rangements, mon Toto. Maintenant malgré mon mal de tête je vais tâcher de retrouver la lettre de ton monsieur et la facture de cette hideuse marchande. Auparavant je vais écrire à Mme Krafft et puis je t’adore mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 232-233
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « guillotinée ».
b) « remord ».

Notes

[1La Potel, marchande qui réclame de l’argent à Juliette Drouet.

[2À élucider.

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