Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Décembre > 10

10 décembre [1838], lundi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon petit homme bien-aimé. Voici encore une nuit d’écoulée, sans RIEN, chez moi les nuits se suivent et se RESSEMBLENT parfaitement, c’est toujours rien, rien et rien. Au reste, tu es dans ton droit et je ne veux pas de bonheur par l’importunité. Le jour n’est pas très beau aujourd’hui, et nous perdons peu à ne pas aller voir les tapis. Moi-même je suis un peu souffrante et je ne regrette que l’occasion de te voir et de baiser ta belle petite bouche rose. Si je peux me procurer un bain, il est probable que je me plongerai dedans avec délices. En attendant, je vais panser ma lampe qui depuis que Suzette la soigne est déjà bien malade. Cependant, il faut de toute nécessité que je la lui confie car je ne peux pas m’occuper de mon métier et de ma maison pour ce qui regarde les détails du ménage. Je vais tâcher au reste de la dresser (ma servante) à faire ma lampe sans l’ESTROPIER.
Jour mon petit o. Papa est bien i. J’adore mon petit homme, seulement il n’est pas assez amoureux pendant que je le suis trop. Nous ne pouvons jamais mettre les deux bouts ensemble comme ça c’est une association où l’un n’apporte rien et l’autre tout, c’est pas juste. Donnez-moi votre vec, polisson.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 220-221
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain


10 décembre [1838], lundi soir, 4 h. ¾

Voici encore une journée et une journée bien froide, mon amour, sans que vous ayez fait acte d’apparition chez moi. Si cela continue il est probable que l’année 1839 me trouvera aussi avancée que l’année 1838. Il se passe dans ton intérieur et dans tes affaires quelque chose d’extraordinaire que tu ne me dis pas. Autrefois tu n’avais rien de caché pour moi, maintenant tu fais le mystérieux en toute chose, ce qui prouve mieux que tous les arguments contraires que tu ne m’aimes plus comme tu m’aimais il y a deux ans. Je m’aperçoisa de tout cela et j’en suis triste et découragée jusque dans l’âme. Je voudrais être morte et enterrée et ne plus souffrir. Je ne crois pas qu’il y ait de torture plus atroce que celle de n’être plus aimée quand on aime son amant mieux et plus qu’on ne l’a jamais fait. MADOUÉ [1]... Je monterais bien en diligence dans ce moment pour ne plus revenir. Oh, je suis très heureuse ! Si tu ne tenais pas avoir des lettres de moi deux fois par jour, il est probable que je ne t’aurais pas laissé voir toute l’amertume que j’ai au fond du cœur et le découragement qui me déborde, mais je ne peux pas quand je t’écris me contraindre à ce point.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 222-223
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « apperçois ».

Notes

[1Madoué (breton) = « Mon Dieu ! »

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne