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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 février [1839], samedi après-midi, 1 h. ½

Bonjour, mon petit homme. Je vous aime. Je ne sais vraiment plus quoi vous dire après car la manière dont nous vivons entre nous esta si monotone et si aride qu’une fois que je vous ai dit mon amour je vous ai tout dit et il ne me reste plus qu’à tourner mes pouces ; d’ailleurs, il ne convient pas que ce soit toujours moi qui vous désire et toujours vous qui faisiez la sourde oreille. Je veux rentrer dans ma dignité et dans une indifférence, sinon aussi réelle que la vôtre, du moins aussi apparente. Tâchez, en attendant, mon cher petit homme, de ne pas attraperb de refroidissement ni aucune indisposition car je deviendrais la plus folle et la plus malheureuse des femmes, ce qui est assez inutile dans tout état de chose et de cœur.
J’ai toujours une épine dans le pied qui ne me sera retirée que lorsque M. Boulanger aura fait sa copie et qu’elle sera clouée à mon mur. Jusque-là je ne pourrai pas y penser sans sentir que cela me fait mal. On voit bien que ce Monsieur n’aime personne puisqu’il ajourne si lestement le bonheur des autres. Au reste, mon lot est d’attendre et l’original et la copie et ni l’un ni l’autre ne viennent, ce qui fait qu’il y a toujours bonheur absent chez moi. Mais pour finir ma lettre comme je l’ai commencée, je t’aime, je t’aime, je t’aime et je t’aime. Si ce n’est pas du bonheur, c’est de l’amour le plus vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 191-192
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « et ».
b) « attrapper ».


23 février [1839], samedi soir, 8 h. ¾

Tu n’as rien à craindre de moi, qu’on vous dit, je ne suis pas capable de te tromper en rien, mon adoré. N’es-tu mon cher bien-aimé et mon bon petit homme chéri ? Je t’aime. Quand je pense à cette pauvre créature qui à cette heure-ci accomplissait il y a huit jours cet affreux acte de désespoir [1], je me sens saisie de pitié et de regret pour cette malheureuse femme si honnête et si bonne pour nous. Au reste, plus on voit les gens à qui elle avait à faire, à commencer par ses propres parentsa, [plus] on sent combien cette pauvre femme était incomprise et combien elle a dû souffrir pour en arriver à se suicider. Je t’aime mon Toto. Je t’aime. Je voudrais donner ma vie pour toi, ce serait le plus beau jour de ma vie que celui que je te donnerais pour un seul de tes sourires. Tu es mon bien-aimé.
J’ai Mlle Pauli qui me coiffe dans ce moment-ci avec des joies sans pareilles. La petite scélérate me tire les cheveux d’une manière exorbitante. Je me vengerai sur vous tantôt de mon martyre, c’est bien fait. D’ailleurs, j’ai bien des raisons de me venger sur vous de l’amour immodéré de votre BONNE AMIE pour la COIFFURE. Oh ! là, là, oh ! là, là, oh ! là, là. Donnez-moi votre bec que je le baise de tout mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 193-194
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « parens ».

Notes

[1Allusion au suicide de Mlle François.

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