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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 février [1839], mardi soir, 6 h. ¼ a

Je t’écris une grosse lettre tout d’un coup, mon cher bijou, parce que depuis ton départ, il m’a été impossible de t’écrire à cause de ma servante dont je suis obligée de recevoir les comptes la veille de sa sortie de chez moi. Je suis fort heureuse que cette bonne femme de cousine de Mme Pierceau ait bien voulu me rendre le service de venir pendant que je serai sans bonne car j’avoue que d’être entièrement seule chez moi pendant un nombre illimité de jours m’effraye. Tout est pour le mieux à présent et je suis tranquille de ce côté-là. Maintenant, mon adoré, il faut que je te dise ma joie, mon bonheur, mon délire et mon extase ce matin dans tes bras. J’ai pris en une seconde tout le plaisir et tout le bonheur de trois mois mais je ne suis pas sûre de t’en avoir donné autant. Il me semble que tu étais froid et blasé : est-ce que c’est vrai ? Je sais bien que tu ne peux pas avoir le même enthousiasme ni la même passion pour moi que moi-même pour toi mais je voudrais être sûre d’être celle que tu aimes le plus dans ce monde, hélas !b mon désir ne sera jamais satisfait car tu es trop honnête homme pour me tromper et je sens bien que je ne suis pas la première dans tes affections : enfin, pourvu que tu m’aimes un peu, je tâcherai de m’emprunter ce qui s’en manquera pour faire une passion des plus désordonnéesc. Jour. Papa est bien i. Je vous écris sur votre vieux papier, ça vous est égal et c’est une économie. Je t’aime, toi. Je vous adore, vous. Je voudrais bien que Mlle François m’apporte l’argent ce soir car j’en ai besoin pour la bonne et pour Jourdain et deux ou trois autres. Je t’aime, mon cher petit homme. J’espère que vous allez venir tout à l’heure et je m’en félicite. Donnez-moi vos chers petits pieds et vos ravissantes petites mains que je les baise. Papa est bien i.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 129-130
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette


a) À droite, sur la moitié supérieure de la première page, par transfert de l’enveloppe : « Pour Monsieur Hugo »
b) Entre la ponctuation et le prochain mot, Juliette cesse d’écrire sur quelques centimètres et trace une ligne à main levée.
c) « désordonnée ».

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