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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 10 octobre 1857, samedi après-midi, 3 h.

C’est grand dommage, mon bien-aimé, que le vide que ton absence fait dans ma vie ne se comble pas avec les merveilles dont je suis entourée depuis quelques jours car alors je n’aurais rien à désirer et le bonheur entrerait par mes yeux jusqu’à mon cœur. Mais, hélas ! il n’en esta rien et mon âme se trouve encore plus seule peut-être au milieu de toutes ces splendeurs ironiques de ma maison. Aussi si je pouvais opter entre le bonheur de te voir entre quatre murs nusb tout le reste de ma vie et celui de vivre pendant toute l’éternité parmi les richesses du bon Dieu, je n’hésiterais pas une seconde à te préférer à tout. Voilà pourquoi je suis triste en ce moment, mon adoré, c’est de ne pas te voir et de penser que peut-être tu pourrais venir auprès de moi, ne fût-cec qu’un tout petit moment, si tu voulais. Cependant il me semble que mes voisines sont parties depuis longtemps et que le BANQUIER [1] est toujours aussi peu amusant que le CARABINIER DE CHARLES ? Si je me trompe je vous en demande humblement pardon. Quant à mon portrait, dont vous êtes si embarrasséd, je vous conseille de l’offrir en don au musée guernesiais, comme le portrait authentique de la reine Pomaré [2], la VRAIE. Du reste je ne vois pas pourquoi vous ne le placeriez pas dans l’escalier ; les portraits, comme la vertu et le crime [ont ? ] leur degré, l’important est de tâcher qu’ils ne gênent pas et qu’ils n’abusent pas de leur ressemblance avec les originaux pour embêter le public en général et les amis en particulier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 194-195
Transcription de Chantal Brière

a) « n’est ».
b) « nuds ».
c) « fusse ».
d) « embarassé ».

Notes

[1À élucider. Le banquier, comme « le carabinier de Charles », semble un motif d’excuse utilisé par Hugo pour justifier ses retards ou ses absences.

[2Pomaré IV fut la reine de Tahiti qui protesta et lutta contre le protectorat français en 1842 avant de se soumettre puis d’abdiquer en 1852.

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