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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 22 août 1857, samedi après-midi, 4 h. ¼

Sans reproche, mon Victor, tu as souvent avec moi des froideurs et des impatiences que la préoccupationa de ton esprit n’explique pas et ne justifie pas toujours à la satisfaction de mon cœur. Tout à l’heure encore tu viens de me quitter avec une mauvaise grâce qui allait presque à la colère sans que je puisse deviner pourquoi. Certes je ne me fais pas illusion sur l’attrait physiqueb et moral de ma pauvre personne, aussi n’ai-je jamais prétendu m’imposer à toi au-delà de la limite de ton amour. C’est pourquoi je trouve cruel et injuste de me faire supporter les accès d’ennui et le mécontentement de la satiété que tu éprouves. Je te demande en grâce et au nom de tout ce que tu as de plus cher, de plus vénéré et de plus sacré dans ce monde et dans l’autre de ne pas faire déchoirc l’amour presque divin que j’ai pour toi au rang d’une habitude et d’un devoir fastidieux pour toi. Épargne-moi l’humiliation de te faire assister jusqu’au bout à la transition de la vieillesse du corps à la jeunesse éternelle de l’âme. Laisse-moi, s’il le faut, achever d’user loin de toi ce reste de haillon de ma vie et ne me force pas à devenir pour toi un objet de dégoût et d’ennui. Je te le demande avec toute la tendresse et toute la fierté de mon âme. Je te le demande au nom de ta loyauté et de ta gloire, je te le demande au nom de notre bonheur passé et [en  ?] celui à venir. Pour lever tout scrupule et faire taire toute mauvaise honte de ta part, je te le demande sous cette forme en te priant d’en user de même si tu te sens gêné pour me répondre en paroles. N’oublied pas, mon Victor, que rien ne m’est impossible pour t’épargner le devoir odieux de me garder auprès de toi malgré les répugnances de ton cœur et de ton esprit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 160
Transcription de Chantal Brière
[Souchon, Massin]

a) « préocupation ».
b) « phisique ».
c) « décheoir ».
d) « N’oublies ».

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