29 janvier 1856

Guernesey, 29 janvier 1856, mardi après-midi, 3 h. ½

J’espère, mon cher petit homme, que tu ne travailles pas sans feu dans ta chambre par cet affreux temps pluvieux ? Ce serait par trop imprudent que de t’exposer ainsi, sans absolue nécessité, à l’humidité et aux rhumatismes. Quant à moi, je sais ce qu’il en retourne pour avoir négligé trop souvent de me préserver du froid et de la pluie et aujourd’hui même c’est à grand peine que je me sers de mon bras droit. Aveu dépouillé d’artifice et peu propre à te monter l’imagination, mais qui doit t’avertir de veiller sur toi-même avec soin. Ainsi que je te l’avais dit je suis allée avec Suzanne chez la mère Gillet. J’en suis revenue mouillée parce que la pluie battante nous a prises en bas de la rue des Cornets jusqu’à ma porte. Cela ne m’a pas empêchée de regarder avec des yeux de regrets et d’envie la bienheureuse maison qui avait l’honneur de vous GALAFFRER (que dites-vous du NÉOLOGISME ?) et j’ai eu assez de peine à me consoler en pensant que j’aurais le bonheur d’en pouvoir faire autant dans deux jours. Ce qui ne m’a pas empêchée encore de me coucher assez piteusement et de faire de vilains rêves toute la nuit. Il est probable que vous aurez enfin reçu des nouvelles de M^me Larrieu aujourd’hui. Quant à moi je n’en [ai] ni vent ni nouvelle, ce qui est plus naturel. Je n’en ai^a pas davantage de personne ce qui prouve l’attrait irrésistible que j’exerce de près ou de loin sur tous ceux qui ont le plaisir et l’AVANTAGE de me connaître à commencer et à finir par vous. Taisez-vous car c’est vrai et je ne vous en aime que plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16377, f. 34-35
Transcription de Chantal Brière

a) « n’ai ».