27 avril 1857

Guernesey, 27 avril 1857, lundi après-midi, 4 h. ½

C’est bien la peine de faire allumer feu et flamme par toute la maison, mon cœur et mon âme compris, pour vous en aller au moment le plus chaud, vilain prodigue que vous êtes. Encore S’IL ETAIT ACCROCHÉ A MON MUR cela me ferait prendre patience, mais non, il faut que mon cœur jeûne à côté de tous les bonheurs et de toutes les joies. Taisez-vous et soyez bourrelé de remords si vous en êtes capable autant que vous êtes COUPABLE. Ah ! vous voilà. Non, c’est le citoyen QUESNARD qui s’arrête dans la cuisine devant les ruines de ma cheminée. J’en profite pour continuer mes imprécations et mes dévouements aux dieux infernaux, cher adoré, mon amour béni, mon Victor. Je t’aime.

6 h.

Je t’aime, je ne m’en dédis pas quoique je te voie trop peu et que je sois triste de ne pas te voir davantage. Seulement je veux que tu saches que mon cœur ne t’en fait aucun reproche parce que je sais combien tu es occupé dans ce moment-ci pour créer ta merveilleuse maison [1]. Mais aussi une fois cette féerie achevée, je serai d’un exigence sordide et impitoyable. En attendant je ronge mon REFRAIN : je t’aime, je t’aime et je t’aime et je vous attends avec une impatience digne d’un saint qui s’étrangle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 70
Transcription de Chantal Brière