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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 août [1838], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon petit homme adoré, bonjour. Il paraît que vous avez eu le féroce courage de vous crever les yeux toute la nuit et de me laisser dormir seule ? Je ne vous en fais pas mon compliment car outre le mal que vous faites à vos beaux yeux, vous avez laissé passer une nuit d’amour et de bonheur qu’il n’est plus en votre pouvoir de rattrapera. Pour me rabibocher un peu, vous devriez venir déjeuner avec moi, ça serait bien gentil et bien bon. Il est probable que tu liras ta pièce aujourd’hui, j’aurais bien voulu assister de nouveau à cette lecture [1]. J’aurais remplib mes oreilles de belle et ravissante poésie, exercice très salutaire et beaucoup plus efficace que la méthode [Delau ?] et autre. Malheureusement cela n’est pas possible par les comédiens qui courent et les sentiments de bienveillance que tout ce monde-là professe pour ma personne. Je resterai donc seule dans mon coin aujourd’hui et toujours, vous admirant de souvenirs et vous aimant de passion car je vous aime, moi. Oh ! Oui, je t’aime, mon adoré, plus que tu ne peux le désirer. Je t’aime au-delà de tout ce qu’il y a de possible en amour. Je t’aime tous les jours davantage, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 185-186
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « rattrapper ».
b) « remplie ».


30 août [1838], jeudi soir, 9 h. ¼

Ce que je craignais est arrivé, mon pauvre bien-aimé, la pauvre mère Lanvin est plus mal et son mari est à l’hospice depuis quinze jours. C’est leur cousin Félix qui est venu m’apprendre cela ce soir au moment où nous dînions. Cette mauvaise nouvelle dont je me doutais m’a fait mal et je n’ai pas pu achever de dîner. Il faudrait pour que je reprenne un peu courage que tu vinsses souper ce soir. Le bonheur que j’aurais à te servir me ferait oublier le malheur de ces pauvres gens. J’ai fait acheter des côtelettesa pour toi et l’ordre que j’en ai donné à la bonne au moment où tu t’en allais m’a empêchée de te voir, ce dont j’ai été très contrariée. J’ai si peu de temps à te voir que je regrette amèrement de perdre une seconde de toi.
Pauvre bien-aimé adoré, vous avez été bien injurieux et bien injuste envers moi tantôt. Vous m’avez fait souffrir mais je vous pardonne. Je renonce à vous convaincre que je suis une honnête femme puisque toute ma conduite depuis quatre ans ne vous a pas donné une meilleure opinion de moi. Je vous aime parce que c’est le besoin de ma vie. Je vous suis fidèle parce que je vous aime. Maintenant si vous me soupçonnez, tant pis pour moi mais je ne le mérite pas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 187-188
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « cotellettes ».

Notes

[1Hugo a lu Ruy Blas à Juliette le 12 août.

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