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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 août 1838

6 août [1838], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme adoré, bonjour, comment vas-tu ? Tu travailles toujours, mon pauvre bien-aimé et tu ne te plains jamais, et moi qui ne fais rien, je me plains toujours. C’est que ma tâche est encore plus pénible et plus difficile que la tienne. Te désirer toujours dans la solitude et dans l’oubli, t’aimer toujours seule, c’est un fardeau bien lourd quand on aime comme je t’aime. Bonjour, mon petit homme, je reconnais que vous êtes bien i. Pauvre adoré, c’est bien vrai, tu es le plus ravissant et le plus admirable des hommes mais tu ne m’aimes plus comme autrefois. Moi, je t’aime toujours autant parce que davantage ça n’est pas possible puisque dès le premier jour, je t’aimais de tout mon cœur, de toutes mes forces et de toute mon âme. Tu es cependant bien bon, bien dévoué, bien doux, bien patient, mais tu ne m’aimes plus d’amour. Je le sens plus que je ne peux le dire. C’est une chose qu’on ressent mais qu’on n’exprime pas. Enfin, mon pauvre adoré, je suis tellement persuadée de mon malheur que je n’ai plus ni tranquillité ni confiance ni bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 139-140
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.
[Souchon]


6 août [1838], lundi soir, 7 h. ½

Auparavant de dîner, auparavant de m’habiller, je veux me donner le bonheur de t’écrire ma chère petite lettre, le reste viendra après si ça veut. Je t’aime, mon Toto. Tu deviens de plus en plus beau, je t’adore. Comment faites-vous, mon petit homme, pour vous perfectionner ainsi ? Moi, je deviens de plus en plus vieille et de plus en plus laide. Si vous aviez de la générosité, vous me donneriez votre recette et je vous assure que je m’en servirais coûte que coûte, à moins cependant que ce ne soit la recette que je soupçonne de ne plus aimer d’amour qui que ce soit c’est-à-dire MOI JUJULINA. Hein, est-ce vrai que c’est là le cosmétique dont vous vous servez pour être toujours jeune, beau, frais et adorable ? Si c’est là le secret, je ne pourrai pas en user car je sens que dusséa-je devenir décrépiteb, racorniec et ratatinée en un seul jour, je vous adorerai tout de même car mon amour, c’est ma vie. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 141-142
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « dussai-je »
b) « décrépit »
c) « racornit »

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