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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mai 1847

10 mai [1847], lundi matin, [ ?] h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit taquin, bonjour le plus doux et le plus coriace des hommes, comment que ça va ? Moi j’irais bien, n’était la frayeur que j’ai euea hier au soir en entendant crier : — au feu, au secours, à l’assassin, dans la maison. Cela à propos d’un homme qui battait sa femme et lui avait cassé un bras, le bras droit. Toujours est-il que Mme Triger et moi nous avons éprouvé un tel saisissement que nous ne pouvions plus respirer et ce qui fait qu’à l’heure qu’il est j’ai encore mon dîner sur l’estomac.
Le médecin qu’on avait envoyé chercherb plusieurs fois n’est venu que ce matin (touchant dévouement), de sorte que cette malheureuse a passé la nuit sans secours, criant et pleurant à fendre l’âme, on l’entendait dans le jardin. C’est au 3ème, la petite fenêtre dans laquelle tu vois le soir de la lumière très tard. La pauvre femme n’est pas une Lucrèce [1], tant s’en faut, elle a plus d’une ressemblance avec Mme [Richi/Bichi  ?], mais son mari est le plus hideux des crapauds humains, ce qui l’excuse et la rend intéressantec, n’eût-elle pas le bras cassé.
Mais je m’aperçois que je te fais des cancans sans raison. Je ferais bien mieux de tâcher de digérer mon dîner et de ne penser qu’à toi, le plus doux, le meilleur, le plus charmant et le plus adoré des Totos.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 110-111
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « eu ».
b) « était envoyé cherché ».
c) « intéressante ».


10 mai [1847], lundi après-midi, 1 h. ¾

Je suis sûre que vous ne viendrez pas encore aujourd’hui avant quatre ou cinq heures. Comme c’est régalant. Soyez sûr au reste que je vous revaudrai cela, vous ne perdrez rien pour attendre, au contraire, et moi j’y gagnerai des tas de compensations plus ravissantes les unes que les autres. Pour commencer déjà, j’irai déjeuner mercredi chez Mme Triger en revenant du Salon. Elle m’a offert de prendre la place de Mme Guérard et de me nourrir à domicile. J’ai accepté conditionnellement pour vous laisser un semblant d’autorité sur ma personne, mais au fond je n’en ferai que ce que je voudrai.
Eugénie n’est pas venue encore hier. M. Vilain m’a dit qu’elle était souffrante et fatiguée et qu’elle me priait de la recevoir aujourd’hui si je pouvais. J’y ai consenti pour n’avoir pas l’air d’avoir pris le parti de ne la recevoir absolument que le jour officiel. Elle viendra donc probablement dîner avec moi ce soir. Quelle vieille bavarde je fais, comme c’est utile tout je que je t’écris là puisque je te le dirai tantôt. Cependant j’ai bien autre chose dans le cœur de plus intéressant, de plus doux et de plus charmant à te dire : je t’aime, je t’adore, je te baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 112-113
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Lucrèce Borgia, ou bien Lucretia épouse de Lucius Tarquinius Collatinus : toutes deux réputées pour leur grande beauté.

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