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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 février [1847], vendredi matin, 10 h.

Bonjour, mon bien-aimé, merci, mon adoré. Joie et bonheur à toi et à tous les tiens pour tous ceux que tu m’as faitsa cette nuit en m’écrivant ces adorables petites pages en l’honneur de notre quatorzième anniversaire [1]. Tout ce que tu dis si admirablement je le sens et je le réalise dans mon cœur. Je t’aime comme le premier jour et je te vois aussi jeune, aussi beau et aussi charmant que la première fois que je t’ai vu. Peut-être pourrai-je me plaindre à Dieu de l’inégalité de partage entre toi et moi mais ce n’est pas le moment, aujourd’hui où j’ai le cœur plein de joie, plein de confiance et de sécurité. Je ne peux que le remercier et l’adorer dans ta chère petite personne divine. Je te remercie à genoux d’associer le souvenir de ton pauvre ange au mien [2] et de les mettre en commun dans l’intérêtb de notre bonheur à tous les deux. Je sens que ces doux intermédiaires doivent avoir une grande influence sur la volonté du bon Dieu et je suis convaincue que nous leur devons tout ce qui nous arrive d’heureux en ce monde. C’est avec la plus pieuse reconnaissance que je pense à eux et que je les remercie tous les jours du fond de l’âme. Je voudrais t’ouvrir ma poitrine pour que tu y voies mon amour dans toute sa splendeur et son rayonnement. Je ne sais pas me servir des mots qui expriment ce que je sens. Je trouve tout ce que je dis insignifiant et froid auprès de ce que j’éprouve. Mais je t’aime, je t’aime, je t’aime plus que le bon Dieu n’est grand, plus que le paradis n’est beau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 35-36
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
[Pouchain]

a) « fait ».
b) « intérêts ».


19 février [1847], vendredi soir, 6 h. ¼

Tu vas revenir tout à l’heure, n’est-ce pas mon petit Toto bien-aimé ? Je te rendrai ta clef qui fera son office tant bien que mal pour ce soir et demain tu me la redonneras pour que le serrurier puisse l’ajuster définitivement sur la serrure. Je t’ai à peine vu, penché que tu étais sur ton travail, et le seul petit moment où j’aurais pu échanger un baiser avec toi, je surveillais cet animal d’ouvrier. Je n’ai vraiment pas de chance et il faut toute ma raison pour ne pas me livrer à une effroyable grognonnerie. Heureusement que je compte sur tout à l’heure pour me rabibocher de mon pauvre baiser perdu, sans cela je ne serais pas si philosophe. Il n’y a pas de raison ni de raisonnement qui puissenta me consoler d’un seul baiser perdu, d’une seule caresse de toi, d’un seul de tes regards perdus pour moi. Je me répète et j’écris comme un chat mais cela m’est égal. Je n’ai pas la prétention de faire du style avec toi. Je n’ai que celle, parfaitement justifiée, de t’aimer plus et mieux que n’importe qui au monde. Je n’ai pas la moindre fausse modestie à ce sujet. Je m’en flatte, je m’en vante et je m’en enorgueillis tout haut.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 37-38
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « puisse ».

Notes

[1La première nuit d’amour de Juliette Drouet et de Victor Hugo a eu lieu le 16 février 1833.

[2Lettre du 18 février 1847 de Victor Hugo à Juliette Drouet : « Hier, ma bien-aimée, notre amour a eu l’âge d’un bel adolescent, quatorze ans. Ces quatorze ans, c’est notre véritable vie. Tu le vois, nous sommes jeunes. Oui, nous sommes jeunes, car nous avons dans le cœur tous les printemps, toutes les aurores, tous les parfums, tous les rayons ; moi, j’ai tes sourires, toi, tu as mes baisers. Vois-tu, n’oublie jamais cela. Qu’importe que les années passent. Elles n’ôtent rien de ce qui est dans le cœur. Le cœur est le vase fermé, le vase sacré ; la coupe que Dieu seul peut ouvrir et où il verse mystérieusement les extases, les ivresses, les tendresses, les souvenirs charmants, les espérances infinies. Tu te rappelles que je l’ai dit : Au cœur on n’a jamais de rides. L’amour n’est pas seulement la vie, l’amour est la jeunesse.
Aimons-nous donc, sois heureuse comme tu es belle, sois aimée comme tu es sainte ; pensons tous deux à nos deux anges qui sont là haut, souris-leur et souris-moi ! » (Gérard Pouchain, ouvrage cité, p. 83).

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