Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Février > 15

15 février [1847], lundi soir, 5 h. ½

Malgré le désir et le besoin que j’ai de te voir, mon doux bien-aimé, je ne voudrais pas que tu arrivasses dans ce moment-ci où ma chambre regorge de fumée [1]. J’ai tenua la fenêtre toute grande ouverte pendant une heure sans succès. Maintenant j’essaye de la porte sans savoir jusqu’à présent si elle me réussira mieux que la fenêtre.
Que tu es bon, mon Victor, et que tu m’as fait de bien en revenant hier sur tes pas. Ce bonheur si court mais auquel je ne m’attendais pas a suffi pour changer en joie toute la tristesse dont mon pauvre cœur était plein. Pour la première fois depuis bien longtemps j’ai passé la nuit d’un dimanche sans pleurer. Je me suis endormie en te souriant et en te bénissant. Tu ne sais pas combien une preuve de vraie tendresse de toi me donne de force et de courage. La plus petite marque d’attention me transporte de joie. Avec deux sous de violette tu me donnes deux millions de bonheur pur ; oui, c’est dans cette proportion-là. Tu ne sauras jamais combien et comment je t’aime. C’est au point que dès que je crois remarquer le plus petit symptôme d’indifférence en toi, je sens mourir mon âme en moi. Ton amour fait ma vie plus que l’air, plus que la lumière, plus que le pain et la chair. Si tu savais comme c’est vrai ce que je te dis là, tu en serais bien heureux ou bien épouvanté selon l’état de ton propre cœur. Aussi tu penses avec quelle ardente sollicitude je surveille, je guette tout ce qui me paraît être une preuve d’amour ou une preuve de refroidissement.

7 h.

Je finis ma lettre malgré la présence de Mme Guérard pour te dire encore une fois que tu es mon amour bien-aimé, ma vie, ma joie, mon bonheur et mon tout. Je te baise depuis pater jusqu’amen.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 25-26
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « tenue ».

Notes

[1Dans la lettre du 8 janvier, Juliette Drouet se plaignait déjà de la fumée qui emplit son logis à cause de « crevasses dans les murs ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne