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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 19 septembre 1854, mardi matin, 11h.

Bonjour, mon cher petit intrépide, bonjour, sur la terre et dans la mer, bonjour. Tâchez seulement de ne pas donner de prétexte au choléra de vous donner la colique et venez me voir en sortant de l’onde si vous en avez le temps. Il va pourtant falloir que je m’occupe sérieusement de trouver un logis n’importe où. Je crois que j’aurais tort de compter sur le brave Asplet [1] pour cela car il a plus de bonne volonté et d’obligeance que de temps à lui et de mémoire. Je vois avec tristesse qu’il me faut renoncer à me loger dans le voisinage, c’est à dire auprès de cette bonne mer qui me tenait douce et fidèle compagnie. La pensée d’habiter dans une rue me donne d’avance de la tristesse et de l’ennui. Cependant, hors du Hâvre-des-pas, je ne vois pas rien de possible que dans les rues intérieures. Tout cela m’inquiète et m’agace outre mesure car je voudrais n’avoir qu’à penser à toi et à t’aimer tranquillement. Et à ce sujet je te confierai, mon trop aimé petit homme, que ta bonté générale et infinie, loin de diminuer ma défiance sur ton amour ne fait que l’augmenter et la surexciter car j’attribue à ta bonté ineffable tout ce que je voudrais ne devoir qu’à ton cœur. Les hommes comme toi ont coutume de substituer à l’amour qu’ils ne peuvent plus éprouver pour les pauvres femmes qui continuent de les aimer, un dévouement doux, aimable et persévérant qui peut faire illusion un moment mais qui ne saurait tromper un cœur comme le mien. Aussi quoi quea tu fasses, mon pauvre adoré, pour me donner le change sur tes vrais sentiments mon âme trop clairvoyante ne s’y trompe pas. De là mes tristesses, mes regrets et mes découragements. De là aussi ma reconnaissance, ma pitié et mon admiration pour toi qui t’imposes ce supplice odieux de vivre auprès d’une femme que tu n’aimes plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 305-306
Transcription de Chantal Brière

a) « quoique ».

Notes

[1On ne sait s’il s’agit de Philippe Asplet ou de Charles Asplet.

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