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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 31 août 1854, jeudi matin 7h. ½

Bonjour, mon trop affreusement aimé, bonjour. Je commence ma journée sous ces deux mots que je te dédie : bonjour et amour. J’espère en avoir le reflet et pouvoir avec cela te paraître très aimable aujourd’hui. J’attends que la marée monte pour prendre mon 19e bain, ce chiffre qui paraîtrait respectâble au commun des martyrs est honteux et chétif pour vous le marsouin de Marine-Terrace. Quant à moi qui ne fais pas de cet exercice un steeple-chase nautique, j’en prends à mon aise et sans le moindre souci du clocher total [1]. Tela est mon calme…… plat.
La journée promet d’être au moins aussi bouillante que les trois précédentes, aussi je ne demande pas à sortir mais je demande à vous voir un peu autant du moins que ton travail et la poste te le permettent. Je profiterai de ma séquestration forcée pour finir de copire tout ce que tu m’a donné afin d’en laisser le moins possible à faire au sieur Victor [2]. J’espérais que j’arriverais assez à temps pour ne rien céder de ce plaisir à personne ; il paraît que je me suis trompée dans mes calculs ou que tu as été plus impatient qu’il ne fallait car jusqu’à présent il n’y a encore rien de commencé à l’impression. Maintenant je suis tout à fait à tes ordres et je serais bien heureuse si je suffisais à te servir. Cher petit homme, tout ce que je te dis là est une sorte de remplissage entre chaque tendresseb que je te dis comme on met de la paille ou du foin entre les beaux fruits pour les préserver d’un contact trop immédiat entre eux et les empêcher de se meurtrir. Moi c’est pour empêcher mes pauvres caresses de se blettirc en les entassant les unes sur les autres que je les bourre de phrases insignifiantes. Mais tu sauras bien laisser toute cette paille et tout le foin de côté pour ne prendre que le plus bon et le meilleur de mon cœur et de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 277-278
Transcription de Chantal Brière
[Blewer]

a) « telle ».
b) « tendresses ».
c) « blétir ».

Notes

[1La traduction littérale de steeple-chase est « course au clocher », parcours de saut d’obstacles.

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