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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 août [1846], mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon Victor chéri, bonjour, mon cher petit homme adoré, bonjour Toto. Je vous aime et je vous baise de tout mon cœur. Que faites-vous aujourd’hui ? Allez-vous à l’Académie et pourrai-je aller vous chercher ? Il y a bien longtemps que cela ne m’est arrivé, et puis je vous vois si peu tous les jours qu’il n’y en a vraiment pas pour ma dent creuse. Tout le reste du temps, je mâche à vide un bonheur qui ne vient jamais. C’est fatiganta mais peu substantiel. Il y a des moments où je suis tentée de jeter le manche après la cognée et de m’en aller devant moi, tant que la terre pourrait me porter. Il y en a d’autres aussi où je suis très heureuse et où je crois que tu m’aimes, mais ceux-là sont de plus en plus rares et durent très peu. Cependant, je suis toujours à l’affût et je les guette nuit et jour pour n’en laisser échapper aucun. Mais j’ai beau surveiller, j’ai beau faire, j’ai beau regarder, désirer et aimer, je ne vois pas de bonheur à l’horizon. Pourtant, je ne veux pas être ingrate pour le bonheur passé ! Je reconnais que j’ai été longtemps la plus aimée et la plus heureuse des femmes. Mais ce temps-là est loin et j’ai bien peur qu’il ne revienne jamais. C’est ce qui me fait le cœur si triste et l’âme si découragée. Si j’ai tort, je t’en demande pardon à genoux et je te souris et je t’aime et je t’attends avec confiance et courage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 45-46
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « fatiguant ».


18 août [1846], mardi après-midi, 1 h. ¾

J’ai compté sans mon guignon habituel et sans la pluie qui menace de tomber bien fort et bien longtemps, mon adoré Toto, aussi je ne sais pas si je pourrai aller t’attendre, comme je me l’étais si bien promis, car je n’ai pas de chaussure pour cet affreux temps. Cependant, je n’y renonce pas encore et il faudra que ce me soit bien impossible pour ne pas y aller. Tant pis pour mes pieds, tant pis pour tout, pourvu que je te voie une heure plus tôt.
Je voudrais bien savoir quand vous aurez fini de prendre ma maison pour un magasin de vieux papier ? Je m’insurge, à la fin, et j’ai très envie de m’en faire des ressources dont je ne devrai compte à personne. C’est bien le moins que je puisse faire, pour toutes les méchancetés que vous me faites. Allons, voilà la pluie qui redouble à présent. Quelle aimable chance j’ai ! Cependant j’espère, j’espérerai jusqu’au dernier moment, quitte à m’en prendre à mes yeux du caprice pluvieux du baromètre. Mon doux Victor, mon ravissant petit homme, je t’aime et je sens plus que jamais que je ne peux pas vivre sans ton amour. Le seul soupçon que tu peux m’aimer moins qu’autrefois, me rend folle de chagrin. Ô je t’aime, je t’aime, je t’aime. C’est inexprimable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 47-48
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

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