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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 août [1846], mercredi matin, 8 h. ½

Bonjour mon doux bien-aimé, bonjour mon adoré béni, bonjour. Je baise tes doux cheveux un à un et toute ta ravissante petite personne d’un bout à l’autre. Je suis levée depuis 6 h. J’ai travaillé à mon jardin jusqu’à présent, dans l’espoir de dissiper le malaise que j’ai depuis hier et qui m’a empêchée de dormir une partie de la nuit. Je ne sais pas encore si j’ai bien fait car je n’y vois pas à force d’étourdissements. Malheureusement, je n’ai pas l’espoir d’aller vous retrouver aujourd’hui car vous n’avez pas de séance nulle part. Quand donc la Chambre se réunira-t-elle ? J’attends avec impatience le moment où vous voudrez bien couper le cou à cet infortuné fou [1]. Pour être avec vous une minute, je suis capable de tout et de bien autre chose. Je me ferais couper mon propre cou, si cela pouvait me donner l’occasion d’être avec vous une minute plus tôt. Voilà mon opinion. Je ne t’ai pas remercié hier du bon petit copeau que tu m’as donné [2] et que j’ai trouvé parmi les journaux. Cependant, il m’a fait un bien vif plaisir et je l’ai bien baisé avant de le serrer. Seulement, vous serez cause que je me crèverai les yeux à force de m’appliquer à lire les gribouillis microscopiques qui sont dessus. Écrivez donc plus gros la prochaine fois, s’il vous plaît.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 27-28
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette


12 août [1846], mercredi après-midi, 3 h. ¼

Je suis bien contente d’aller te retrouver, mon cher petit homme. J’espère que tu ne me laisseras pas attendre aussi longtemps qu’hier. Je ne sais pas pourquoi mais un trop long séjour dans une église m’attriste au-delà de toute expression [3]. Cela tient peut-être à la disposition d’esprit dans laquelle je me trouve dans ce moment-ci. Cependant, j’aime encore mieux t’attendre longtemps que de ne pas aller te chercher. Je l’aime infiniment mieux et plus qu’infiniment mieux. Je suis en proie à un mal de tête abominable. Le dedans de mes mains brûlea comme du feu. Cela n’est pas un mal nouveau pour moi malheureusement, mais chaque fois que je l’éprouve à ce point-là, je ne sais plus où j’en suis. Si je pouvais vous insinuer de ne pas me faire rentrer tout de suite à la maison, ce serait très gentil, et cela me guérirait tout de suite. Mais hélas ! je n’y compte pas. Je sais trop bien que vous ne pouvez pas vous livrer à ces sortes d’inspirations. Ce serait pourtant bien charmant. Enfin, comme compensation, je vais vous voir tout à l’heure. C’est beaucoup mais ce n’est pas assez puisque ce n’est pas tout. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime comme une goulue et je ne voudrais jamais m’en aller de boune eu [4] quand je suis avec vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 29-30
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « brûlent ».

Notes

[1Il s’agit de Joseph Henri, accusé de tentative de régicide.

[2À élucider.

[3Juliette et Victor Hugo avaient l’habitude de se retrouver dans une église quand les séances à l’Académie ou à la Chambre des Pairs se terminaient.

[4Imitation d’un accent patoisant ou étranger pour “bonne heure”.

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