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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 août 1846

7 août [1846], vendredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour mon adoré petit Toto, bonjour mon cher petit Pair de France, bonjour, je vous aime et je me dispose à vous aller chercher tantôt malgré l’état menaçant du ciel. J’ai toujours bien soif et bien chaud mais j’ai toujours aussi mes maux d’entrailles et mes étouffements. Heureusement, mon cher petit ver à soie, que vous vous portez bien et que cette température de suif en fusion n’a pas d’autre inconvénient pour votre santé que de vous rendre plus jeune, plus frais et plus charmant. Vous êtes en vérité trop bienheureux mais moi je trouve que j’ai l’air d’une vieille chandelle qui coule. Ce matin encore je suis en nage rien que pour avoir battu et secoué mon lit. Je compte sur ma promenade de tantôt pour me rafraîchira et pour me faire passer mon mal de tête et d’estomac. C’est si bon et si doux d’être avec vous que j’en oublie tous mes maux et toutes mes infirmités. Aussi, j’irai vous retrouver le plus que je pourrai. Ce ne sera pas moi qui renoncerai jamais à ce bonheur-là, au contraire. Je veux toujours te demander quand tu me donneras à copirer. Je te vois toujours travailler et pourtant tu ne me donnes rien à copier. Ce n’est pas juste. Il faudra absolument que tu me donnes à travailler. En attendant, je me résigne à me promener avec vous tous les jours. C’est tout ce que je peux faire de plus fort pour vous obliger. Baisez-moi, cher scélérat et aimez-moi, je le veux. Mon Victor, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 13-14
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « raffraichir ».


7 août [1846], vendredi soir, 9 h.

Je ne veux pas me coucher, mon adoré petit Toto, avant de m’être rabibochée d’hier envers moi-même. Car après le bonheur si doux et si ravissant d’être avec toi, il n’y en a pas pour moi de plus grand que de t’écrire tout ce qui me passe par le cœur. Je regrette que la Chambre n’ait pas donné suite tout de suite au procès Henri [1] parce que j’aurais été vous chercher encore plus souvent. Cependant j’espère que ce n’est que partie remise et que vous me permettrez d’aller vous retrouver chaque fois qu’il y aura séance ? Je compte là-dessus comme si j’y étais déjà. Tu es si bon, toi, que tu ne voudras pas me priver du bonheur d’être avec toi dans le moment qui peut te gêner le moins, n’est-ce pas mon adoré ? Je crois que Mme Guérard espérait vous retrouver ce matin chez moi mais elle avait mal pris son temps et elle en a été pour ses frais d’amabilité et d’appétit. Quant à moi, je vous regarde faire tous les deux et j’apprête mon grand couteau tout doucement. Prenez garde à vous, Toto. Madame Juju vous regarde, madame Juju vous entend ! Prenez garde ! Vous savez que la saison est très dangereuse pour les caniches et les maîtresses, je vous en avertis [illis.]. Avec tout cela, vous ne me donnez pas beaucoup de curiosités. Si vous m’en inspirez, vous ne m’en donnez pas assez. Voilà plus d’un an que je n’en ai pas eu la queue d’une. Si vous croyez que c’est là ce qui rend une femme heureuse, vous vous trompez fièrement. Regardez plutôt !!!! [dessin] !!!!!!a Si ça ne vous tire pas les larmes des yeux et les pièces de cinq francs de votre bourse, vous êtes le plus racorni des pairs de France et de Navarre. Baisez-moi toujours en attendant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 15-16
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) Dix points d’exclamation, qui encadrent un dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1Le 7 août la Cour des Pairs tient une séance pour recevoir la plainte du procureur-général contre Joseph Henri qui avait tiré deux coups de pistolet en direction du roi, le 29 juillet, lors de la fête commémorative de la révolution de Juillet. Sur cent trente-et-un Pairs présents, cent vingt-neuf votent pour l’instruction de Joseph Henri.

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