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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 août 1846

3 août [1846], lundi après-midi, 2 h. ½

Que je vous voie ne pas garder l’ancienne, affreux scélérat, je vous donnerais des bons coups dont vous vous souviendrez toute votre vie. En attendant, je ne serais pas fâchée de savoir d’où vous venez tous les matins depuis quelques jours ? J’ai bien envie d’employer ma police secrètea pour le savoir de fond en comble. Eugénie est ici depuis une heure. Elle a été un peu souffrante ces jours-ci, c’est ce qui l’a empêchée de venir. Du reste, elle ne paraît pas plus gaie, au contraire. Je lui ai dit qu’elle pouvait s’autoriser de ton nom, soit pour écrire, soit pour aller voir M. de Boursy. Elle t’en remercie de tout son cœur et elle profitera de la permission le plus tôt possible. Je voudrais bien que vous veniez travailler auprès de moi. Je ne suis tranquille et heureuse que lorsque vous êtes là. C’est assez dire que je ne le suis pas assez souvent, mais je ne veux pas grogner aujourd’hui. Je veux tâcher, au contraire, d’être très aimable [rébusb].Vous savez si je sais me servir à propos de vos magnifiques rébus. Si je voulais, je pourrais en tirer bien d’autres de mon escarcelle mais je craindrais de vous donner trop d’orgueil en faisant repasser sous vos yeux un à un tous les coq-à-l’âne dont vous avez illustré votre vie depuis que je vous connais. Voime, voime, fort spirituel et digne du poète européen. Je m’en fiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiche !!!!!!!!!!c Tâchez donc de venir un peu plus vite que ça s’il-vous-plaît, et même s’il ne vous plaît pas, encore plus. Je n’ai pas besoin de [faire  ?] des délicatesses devant un p.........air de France. Et puis fâchez-vous si vous voulez pourvu que vous veniez, cela m’est égal. Eh ! bien baisez-moi alors et je vous serai douce comme un mouton. Sinon je persiste dans ma férocité et dans mon rhume de cerveau, car il faut vous dire que depuis que j’ai commencé ce gribouillis, j’éternue sans interruption. Il ne tient qu’à moi de me croire au mois de décembre ou au mois de mars. Atchi ! atchi, at, atc, atch, atchi ! Quel bonheur de se sentir le nez passer à l’état de borne-fontaine. Dites donc mon Victor, si vous venez me chercher pour sortir et pour aller dîner à la barrière, ne vous gênez pas. Je ne suis pas prête du tout mais j’irai tout de même pour vous obliger. On n’est pas plus complaisante que cette pauvre Juju-là. Voime, voime, c’est une justice que j’aime à me rendre à moi-même. Taisez-vous, ingrat, vous n’auriez pas le courage de me la rendre, cette même justice. Taisez-vous et venez bien vite changer de gilet de flanelle que j’ai raccommodéd tout à l’heure, dans l’espoir que vous alliez venir bien vite le mettre. D’ici-là, je vous aime et je vous baise de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 5-6
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « secrette ».
b) Rébus (A sur Ément = assurément) :

© Bibliothèque Nationale de France


c) Vingt-trois i à “fiche” et dix points d’exclamations jusqu’à la fin de la ligne.
d) « racommodé ».

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